Chute des prix et de la construction : la déflation menace aux USA

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ésident de la Réserve fédérale américaine le 14 novembre 2008 (Photo : Thomas Lohnes)

[19/11/2008 21:33:22] WASHINGTON (AFP) Les Etats-Unis semblent s’engager dans la voie d’une dangereuse déflation, au vu des statistiques économiques publiées mercredi, montrant une chute des prix à la consommation et de la construction immobilière en octobre d’une ampleur jamais vue depuis un demi-siècle.

D’une part, l’indice des prix à la consommation a chuté de 1,0% en octobre, en données corrigées des variations saisonnières, du jamais vu depuis la première publication de cette statistique en 1947.

Ce recul est principalement dû à la chute des cours des matières premières, les prix de détail de l’énergie ayant plongé en octobre de 8,6% (là encore un record). Mais les prix hors énergie et alimentation ont aussi reculé (-0,1%), et ce pour la première fois depuis un quart de siècle.

D’autre part, la déprime du secteur de la construction s’est encore aggravée, avec des mises en chantiers de logements tombées à 791.000 (en rythme annuel), soit leur niveau le plus bas depuis la création de cette statistique en 1959. Elles ont reculé de 4,5% par rapport au mois précédent.

Les perspectives sont tout aussi inquiétantes, puisque seulement 708.000 permis de construire ont été délivrés (en rythme annuel), soit 12,0% de moins que le mois précédent. Ils n’avaient jamais été aussi peu nombreux depuis 1960.

Le mois d’octobre, marqué par l’aggravation de la crise financière et la perspective de l’élection présidentielle le 4 novembre, avait connu un autre record, avec la plus forte chute attestée des ventes de détail (-2,8%).

Les chiffres de l’emploi avaient également été catastrophiques: 240.000 emplois perdus, et un chômage à 6,5%, au plus haut depuis mars 1994.

Tous ces indicateurs pointent dans la même direction: après un ralentissement de la croissance sur fond d’inflation, les Etats-Unis sont entrés en récession, entraînant un retournement des prix.

L’économie connaîtra-t-elle la déflation, une situation où les prix se contractent parallèlement à la demande? Cette situation, vécue par le Japon dans les années 1990, est la pire pour une banque centrale, ses efforts pour stimuler la croissance étant annihilés par le refus des acteurs économiques de consommer et d’investir.

Les économistes sont partagés sur la réponse.

“Nous allons devoir nous inquiéter de la déflation bientôt, aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, dans le monde entier (…) Et une fois que vous êtes tombés dans le piège déflationniste, la politique monétaire n’est plus efficace”, a affirmé l’économiste Nouriel Roubini sur la chaîne Bloomberg News.

Le taux d’intérêt directeur de la Fed est à 1%, sans que le crédit n’ait à ce jour donné de signes de reprise.

La Réserve fédérale a par ailleurs revu en forte baisse mercredi ses projections de croissance et prévoit que le produit intérieur brut des Etats-Unis devrait évoluer en 2009 dans une fourchette comprise entre -0,2% et 1,1%. Pour 2008, la Fed ne table plus que sur une croissance comprise entre 0,0 et 0,3%. Sa fourchette précédente allait de 1,0% à 1,6%.

Dans ses dernières prévisions, en juillet, la banque centrale tablait sur une croissance de 2,0% à 2,8%.

Selon Aaron Smith, d’Economy.com, un site internet de l’agence Moody’s, “la probabilité d’une déflation est faible, la transmission des prix de l’énergie et des prix à l’importation vers l’inflation de base” (hors énergie et alimentation) ayant “reculé lors des deux dernières décennies”.

“Plus important, tant que les anticipations inflationnistes ne dérapent pas, et sous réserve que la Réserve fédérale ne cesse pas sa politique accommodante trop rapidement, l’inflation devrait prévaloir”, estime-t-il. L’inflation sur un an s’est maintenue à 3,7% en octobre.

La plupart des économistes sont en revanche d’accord sur le remède: selon un sondage du Wall Street Journal publié le 13 novembre, 82% sont en faveur d’un plan de relance budgétaire aux Etats-Unis.