Face à la crise, la Russie accepte une dévaluation du rouble

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à Moscou, le 24 octobre 2008 (Photo : Alexey Sazonov)

[11/11/2008 17:27:12] MOSCOU (AFP) La Russie, après avoir dépensé des dizaines de milliards de dollars pour soutenir sa monnaie face à la crise financière, a infléchi sa stratégie mardi et laissé le rouble céder un peu de terrain, une tactique qui a laissé sceptiques les analystes.

Le rouble a mardi matin brutalement cédé environ 1% par rapport au “panier” euro-dollar qui sert de principale référence dans le pays, franchissant un seuil qui n’avait plus été vu depuis des mois, à 30,69 roubles. La preuve selon les analystes que la Banque centrale russe (BCR) a modifié sa politique.

L’intéressée a confirmé mardi soir dans un communiqué avoir élargi le “corridor” dans lequel elle entend voir le rouble fluctuer face au panier. La valeur du corridor, dont le niveau n’est jamais rendu public, a été élargie de “30 kopecks de chaque côté”.

Selon les analystes, la BCR aurait ainsi abandonné le seuil de 30,4 roubles pour adopter celui de 30,7 roubles, ce qui correspond de fait à une dévaluation d’autant, étant données les fortes pressions que subit actuellement le rouble.

La décision de la BCR n’est pas une surprise, son président Sergueï Ignatiev ayant soigneusement balisé le terrain la veille.

“Je n’exclus pas une augmentation de la flexibilité du taux de change du rouble, avec peut-être, dans les conditions actuelles, une certaine tendance à l’affaiblissement du rouble face aux devises étrangères”, avait-il dit.

Jusqu’ici, plusieurs hauts responsables politiques russes s’étaient succédé pour assurer à une population toujours méfiante dix ans après la grande crise de 1998 que le rouble ne serait pas dévalué.

Ulrich Leuchtmann, analyste de la Commerzbank, explique ce retournement par le fait que la Russie a payé “très cher” la relative stabilité de sa devise depuis le début de la crise, en intervenant sur les marchés des changes dans des conditions adverses (Bourse en déroute, cours du pétrole en repli).

Selon lui, la BCR aurait ainsi dépensé quelque 70 milliards de dollars juste pour défendre le seuil de 30,4 roubles, ce qui a fortement contribué à la fonte rapide depuis l’été de ses réserves de devises, les troisièmes au monde.

D’autres économistes ont carrément critiqué la décision de la BCR. Pour Derek Halpenny de la Bank of Tokyo-Mitsubishi, elle risque de “s’avérer contreproductive et de provoquer de nouvelles et plus fortes pressions spéculatives à la vente, les investisseurs flairant le danger”.

Natalia Orlova, de la banque Alfa, est du même avis : “Nous pensons que c’est une très mauvaise décision, qui va fortement accélérer les sorties de capitaux. Défendre le rouble à ce nouveau niveau (30,7) va peser encore plus sur les réserves de la BCR, ce qui rend une dégradation de la note souveraine de la Russie très probable”, souligne-t-elle dans une note.

Elle risque en outre de provoquer une nouvelle vague de défiance des Russes à l’égard du rouble, et de les faire courir vers leur banque : ils pourraient “changer environ l’équivalent de 70 milliards USD de roubles en dollars s’il y a un nouvel accès de panique. Le comportement des gens ordinaires est désormais le facteur clé à observer au cours des jours et semaines à venir”, insiste-t-elle.

Le quotidien des affaires Vedomosti paru mardi souligne que les clients de la banque publique Sberbank ont retiré 80 milliards de roubles (2,93 mds USD) au cours du seul mois d’octobre, infligeant à la banque son pire mois en la matière depuis la crise de 1998.