Comment l’épicier djerbien construit l’UMA


Par Walid CHINE

Si l’Union du Maghreb
Arabe a du mal à démarrer, les peuples votent pour elle avec leurs pieds.
Tunisiens, Algériens, Marocains, se mélangent, en allant volontiers
s’installer les uns chez les autres. Et il n’y a pas que les grands hommes
d’affaires qui débarquent à coups de milliards. Les grandes sociétés
maghrébines restent marginales en Algérie. Selon les dernières statistiques
publiées par le Centre algérien de registre de commerce sur les créations
d’entreprises étrangères, ce sont les Français qui arrivent au premier rang
avec 19,5%  talonnés par les Syriens (13,8%), puis les Chinois (11,7%) et
enfin les Egyptiens (7,4%).

 

Les relations
économiques maghrébines concernent donc avant tout le petit commerce.
C’est-à-dire nos fameux épiciers que l’on exporte du reste aussi en France,
au cœur même de Paris. Et il est bien connu que ces boutiques contribuent
fortement à la création et à la sauvegarde du lien social. Les voici, cette
fois-ci qui ouvrent leurs légendaires boutiques à Alger. On est donc bien
loin des grands groupes industriels qui déclarent vouloir monter des
milliers de camions. Il s’agit encore moins de consortiums financiers, et de
banques. Grâce au petit commerce, l’UMA dépend (paradoxalement) moins des
calculs politiques d’épiciers !

 

C’est un peu la
conclusion que l’on pourrait tirer des dernières statistiques publiées par
le Centre algérien de registre de commerce sur les créations d’entreprises.
C’est le Quotidien d’Oran qui révèle, dans son édition du 21 avril, que «les
deux tiers des opérateurs économiques étrangers sont originaires de pays
maghrébins comme la Tunisie et le Maroc». Et ce sont les Tunisiens qui
arrivent en tête de liste, puisqu’ils représentent, à eux seuls, 38,5% du
nombre de commerçants étrangers installés en Algérie. Soit plus de 2.000
Tunisiens qui ont pignons sur rue du côté de la blanche Alger, sur un total
de 5.386 commerçants étrangers. Et nous sommes immédiatement suivis par nos
frères Marocains qui «pèsent» 30,9%. Sahara Occidental ou pas, Polisario et
autres problèmes frontaliers passent aux oubliettes, quand il s’agit de
travailler. Marocains et Tunisiens représentent donc ensemble 69,4% des
commerçants «étrangers» installés en Algérie. Ce sont les Syriens qui, avec
8,3%, arrivent en troisième position.

 

Ces chiffres
concernent les personnes physiques, qui sont principalement actifs dans le
secteur du commerce du détail. 72% des commerçants ont en effet opté pour ce
secteur d’activité. Il s’agit donc de micro-investissements, réalisés par
des citoyens maghrébins dans un autre pays maghrébin. Des données qui
mettent en valeur, sans tambour ni trompette, la solidité des liens tissés
entre les populations maghrébines, malgré les vicissitudes politiques.
L’exemple des commerçants marocains est particulièrement intéressant, dans
la mesure où l’on ne compte plus les dérapages plus ou moins contrôlés des
médias d’Alger et de Rabat sur les relations tumultueuses des deux
gouvernements. Ce qui n’empêche pas les uns et les autres de faire tourner
le petit commerce, et de se sentir comme un poisson dans l’eau… du port
d’Alger.