M. Serge Degallaix : ‘’En matière de concurrence et d’attractivité, la France et la Tunisie ont beaucoup à gagner à travailler ensemble’’ (3ème partie)

Par : Tallel

Propos recueillis par Hechmi AMMAR et Tallel BAHOURY


degallaix1250.jpgM.
Serge Degallaix, ambassadeur de France en Tunisie, nous a récemment reçus à
la chancellerie. Au cours de l’entretien, le représentant de la France en
Tunisie a évoqué plusieurs questions ayant trait aux relations bilatérales
entre la France et la Tunisie, les relations économiques, les relations avec
l’UE, et le projet de l’Union pour la Méditerranée.

 


Compte tenu de l’importance des réponses apportées par le diplomate
français, nous avons jugé nécessaire de publier cette interview en trois
parties : la première s’intitulera ‘’Tour d’horizon des relations
bilatérales’’, la seconde ‘’Gros plan sur les relations économiques’’ et la
troisième ‘’ Relations avec l’UE, Union pour la Méditerranée’’.

 

 


Troisième partie : Relations avec l’UE, Union pour la Méditerranée

 

Quel est l’impact à court, moyen et long terme de la libéralisation des
échanges entre la Tunisie et l’Union européenne… ?

 

Je pense que cet impact est positif et les travaux des économistes le
démontrent. D’ailleurs, les résultats 2007 du commerce extérieur tunisien
sont tout à fait impressionnants, avec une forte progression des
exportations vers l’Europe. On voit bien que le commerce extérieur de la
Tunisie s’est fortement développé ces dix dernières années, ce qui
correspond à la période de libéralisation progressive du commerce.

 

Vous savez que cela s’est fait de manière progressive, avec finalement cette
année la suppression des tarifs douaniers sur les produits industriels.
Nombre de ces tarifs avaient disparu ou en tout cas étaient restés très
faibles durant la dernière décennie. Il ne s’agit donc pas d’une révolution
mais d’une évolution progressive et je pense que la Tunisie peut tirer un
grand profit de cette libéralisation.

 

Cependant, cette libéralisation peut avoir un coût au plan social et
économique, c’est-à-dire qu’il faut être compétitif, et pour ce faire il
faut que toute la chaîne de production soit optimale, d’où l’importance de
tout ce qui a trait à la logistique, l’importance également d’avoir une
force de frappe commerciale performante pour explorer et se placer sur les
marchés.

 

Il y a également la nécessité de constituer des réseaux, comme on le voit
avec les entreprises françaises installées en Tunisie puisque nous sommes à
la fois clients et fournisseurs. Et si, demain, des entreprises tunisiennes
s’installaient en Europe, cela créerait des liens commerciaux qui seraient
un avantage pour la Tunisie.

 

Je pense que la Tunisie, avec cette démarche progressive, a beaucoup
d’atouts à faire valoir dans cette libéralisation qui porte aujourd’hui sur
les produits industriels mais qui va également toucher les services, secteur
le plus prometteur pour la création d’emplois qualifiés, et l’agriculture
avec la nouvelle donne mondiale qui provoque le renchérissement des prix des
produits dû à la forte demande, ce qui pèse sur le budget des ménages.

 

Est-ce qu’aujourd’hui il y a des échéances pour parvenir à des accords
sur l’agriculture et les services ?

 

Ecoutez, nous en sommes au début de la négociation, il y a des échéances qui
se profilent mais elles n’ont pas encore fait l’objet d’un accord entre la
Commission européenne et les autorités tunisiennes. Mais à l’échéance 2010,
on devrait entrer dans une dynamique effective de libéralisation des
services et des produits agricoles.

 

Je voudrais qu’on revienne sur l’idée d’Union de la Méditerranée. On a comme
le sentiment que cela n’avance pas. Il y a une sorte d’hésitation de la part
des pays des deux rives de la Méditerranée. Qu’est-ce qui bloque ?

 

Je crois que, avec le lancement de l’Union pour la Méditerranée ou l’Union
de la Méditerranée, on a refocalisé l’attention sur la Méditerranée. Les
discussions ne portent pas sur la priorité à accorder à la Méditerranée est
une zone prioritaire, mais sur la bonne méthode. Je pense que c’est positif
parce que cela a remis la zone méditerranéenne au centre des attentions en
Europe et en Méditerranée.

 

Ensuite, l’idée du président Sarkozy c’était de ne pas imposer quelque chose
de tout “ficelé” mais de l’élaborer ensemble. Donc, le concept se met en
place avec les discussions.

 

Troisièmement, et comme toujours il y a des interrogations, la France essaie
de répondre à ces interrogations. L’une de ces interrogations, C’est quelle
est la place de l’Union de la Méditerranée par rapport à Barcelone. Là nos
explications ont été claires, c’est un complément, il ne s’agit pas de se
substituer ou de remplacer ; on ressent un besoin, et c’est donc une
proposition pour répondre à ce besoin.

 

La deuxième interrogation c’était de savoir qui pouvait faire partie de
cette Union. Ce que nous avons mis en avant, c’est la dualité de ce concept
: d’un côté, ce sont les projets concrets pour créer des solidarités
matérielles entre les Etats pour que ces derniers surmontent leurs
divergences ; et d’un autre, c’est l’aspect politique puisqu’il s’agit de
créer une harmonie et une confiance autour du Bassin méditerranéen. C’est un
projet qui se mettra en place par l’intermédiaire de l’Union européenne.

 

Dans ce cas, est-ce qu’il faut être riverain de la Méditerranée pour en
faire partie…?

 

Si vous voulez, il y a un cadre général qui est celui de la Méditerranée et
de l’Europe, mais aussi un cadre d’application. Dans ce cas, il y a les
projets et cela peut être l’ensemble des pays ou à 5+5, ou à 5+3… En fait,
c’est en fonction de la nature des projets et de l’intérêt des pays à y
participer.

Donc cette géométrie est variable et tient compte de l’intérêt et de
l’implication des Etats dans le projet.

 

Si j’ai bien compris, il s’agit donc plutôt d’un concept et non d’une
zone géographique, c’est-à-dire que les États-Unis, par exemple, pourraient
éventuellement y participer à ce projet s’ils le désirent…

 

A partir du moment où on a un projet jugé important au regard ce que nous
cherchons, pourquoi écarter un tel partenaire. Bien évidemment, l’objectif
principal c’est de faire travailler entre eux les pays méditerranéens et de
mobiliser l’Europe, justement pour créer ces solidarités, et faire en sorte
que les difficultés qui existent aujourd’hui entre les pays du Nord ou les
pays du Sud, on arrive à les dépasser, parce qu’on a des intérêts communs.
Il est clair que, pour répondre aux aspirations des populations, il est
indispensable de jouer sur les grands ensembles.

 

Pourrait-on espérer voir le jour, à travers cette Union, un ensemble
économique maghrébin intégré ?

 

C’est une méthode pour atteindre cet objectif. C’’est aux Maghrébins à
travailler entre eux et l’Union pour la Méditerranée se veut un projet qui
vise à faire travailler entre eux les pays du Nord et du Sud de la
Méditerranée, ce qui est de nature à faciliter l’intégration Sud-Sud.