Japon : quand le gouvernement étrangle lui-même la croissance

 
 
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Un immeuble en face de la gare de Tokyo (Photo : Kazuhiro Nogi)

[26/12/2007 07:07:14] TOKYO (AFP) Le Japon n’avait pas besoin de la crise des crédits à risque “subprime” pour étouffer sa croissance: le gouvernement s’en est chargé tout seul, en imposant une série de nouvelles règlementations hâtives, populistes et aux effets mal calculés, selon les économistes.

Le gouvernement japonais a récemment revu en nette baisse, à +1,3% au lieu de +2,1% , sa prévision de croissance pour l’année budgétaire 2007, qui s’achève le 31 mars prochain. La Banque du Japon et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont elles aussi sabré leurs prévisions pour la deuxième économie mondiale.

Ces révisions s’expliquent par la chute spectaculaire ces derniers mois de l’investissement immobilier, à cause du renforcement, en juin, des contrôles parasismiques obligatoires avant toute mise en chantier.

Cette nouvelle loi a été votée sous le coup de l’émotion, après qu’un architecte eut avoué avoir falsifié les plans de dizaines d’immeubles collectifs afin de rogner sur les coûts. Des milliers de personnes ont dû évacuer à la hâte leurs logement menacés d’effondrement à la moindre secousse tellurique moyenne, comme il s’en produit régulièrement au Japon.

Mais les contrôles pour démarrer un chantier sont désormais si draconiens et si compliqués qu’il faut plus de deux mois pour obtenir un permis de construire, contre moins de trois semaines auparavant. Du coup, les mises en chantier de logements se sont effondrées de 37% au troisième trimestre.

“C’est une réaction typiquement japonaise face à une crise”, explique Noriko Hama, économiste à l’Université Doshisha. “Les gens ne sont pas habitués aux scandales. Donc, quand un scandale survient, ils paniquent et essaient de tuer le problème le plus vite et le plus radicalement possible. Ce faisant, ils trouvent des solutions tellement parfaites qu’elles sont impossibles à mettre en oeuvre et au final, le remède au problème devient lui-même un problème”.

Le secteur de la construction n’est pas la seule victime de cette tendance à légiférer sans réfléchir aux conséquences. En décembre 2006, une nouvelle loi a mis à genoux la plupart des sociétés de crédit à la consommation, en limitant drastiquement les taux d’intérêt pratiquables et les débiteurs éligibles.

L’exécutif espérait dissuader les consommateurs de se surendetter. Mais la presse rapporte que les ménages les plus en mal d’argent, empêchés par la nouvelle loi de s’adresser aux prêteurs ayant pignon sur rue, se jettent désormais massivement dans les griffes d’usuriers mafieux.

“Les décisions au Japon sont fondées sur des considérations politiciennes, pas sur la rationalité économique. ‘Protéger le consommateur’ est toujours une mesure populaire, même si elle revient à étouffer des secteurs importants pour l’économie comme la construction et le prêt à la consommation”, déplore dans un rapport Peter Tasker, économiste chez Dresdner Kleinwort.

C’est dans le même souci de “protéger le consommateur”, après un scandale de refus de paiement d’indemnités, que toutes les compagnies d’assurance-vie du Japon ont été forcées par l’Agence des services financiers (FSA), le gendarme redouté du secteur, à rechercher elles-mêmes, parfois sur plus de trente ans, tous les cas éventuels de non paiement injustifié. Un travail colossal qui a pris des mois et nécessité l’embauche de milliers de tâcherons.

“Le coût total de cette mesure pour les assureurs est estimé à environ deux millards de dollars”, explique Ryuji Yasuda, professeur à l’Université Hitotsubashi. “Economiquement, les dégâts sont considérables”.

“C’est également désastreux en termes d’image: maintenant, les clients voient un tricheur derrière chaque assureur. Et exiger des compagnies qu’elles recherchent elles-mêmes les anomalies encourage les consommateurs à adopter une attitude irresponsable. Partout ailleurs, c’est au client de réclamer s’il veut être payé. Les consommateurs sont surprotégés au Japon”, tempête-t-il.

 26/12/2007 07:07:14 – © 2007 AFP