Dominique Strauss Kahn à la tête du FMI : Pourra-t-il réussir là où RATO a échoué ?

Par : Tallel
Dominique Strauss Kahn à la tête du FMI : Pourra-t-il réussir là où RATO a
échoué ?

Synthèse de Tallel BAHOURY

Soulagés ou plutôt plus inquiets encore les Africains ? Pour le moment,
difficile à dire, car aucune réaction –ou presque- de la part des Africains
–dirigeants ou experts-, suite à la nomination du Français Dominique
Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international.

Toutefois, comme lors de l’élection de son prédécesseur, l’Espagnol Rodrigo
Rato, les pays émergents mais surtout ceux en voie de développement fondent
à nouveau beaucoup d’espoirs sur la personne de Dominique Strauss-Kahn. Mais
ne risquent-ils pas d’être déçus de nouveau ? Alors mieux vaut tempérer
leurs ardeurs !

Alors pour bien comprendre la situation, un rappel historique est
nécessaire. En effet, le Fonds monétaire international (FMI) a été créé par
44 nations (il compte aujourd’hui 185 membres) à la conférence de Breton
Woods (Etats-Unis d’Amérique) en 1944 avec pour principal objectif :
contribuer à la stabilisation de l’économie mondiale après la Deuxième
Guerre mondiale. Sa charte lui assignait pour mission la promotion d’une
croissance stable, du plein emploi par l’offre aux économies en crise des
prêts sans conditions. L’établissement des mécanismes de stabilisation des
taux de changes et des échanges monétaires. Voilà la mission originelle,
mais qu’en est-il de la réalité ?

’’Le FMI conduit une politique économique dite libérale accordant des prêts
avec des conditionnalités basées sur la politique monétaire et fiscale. Sa
politique est focalisée sur la lutte contre l’inflation et le déficit de la
balance des paiements’’. De ce point de vue, certains experts et autres
spécialistes considèrent que ‘’cette politique de court terme a pour défaut
de privilégier les indicateurs de performance quantitatifs aux indicateurs
qualitatifs’’.

M. Rodrigo Rato, alors ministre espagnol de Finances, avait joué un rôle
déterminant durant la crise financière de l’Argentine en 2001 avait
essentiellement l’appui des pays de l’Amérique Latine –liens linguistique et
historique obligent. C’est donc tout naturellement que, lorsque ce dernier
fut proposé à la tête du FMI, ces pays le considèrent comme le ‘’sauveur’’,
en tout cas celui qui était à même de mieux comprendre leurs difficultés
économiques et d’y apporter des solutions adaptées.

Quant aux pays Africains, eux aussi ils voyaient en Rato ‘’quelqu’un qui
pouvait enfin leur proposer un véritable agenda de développement, d’autant
plus qu’il avait été perçu comme l’un des artisans du développement
économique de l’Espagne ; un pays qui, il y a quelques années de là,
figurait au bas de l’échelle dans la hiérarchie des pays émergents.

Il n’est pas nécessaire d’être expert pour constater que, trois ans après la
prise de fonction de Rato, les espoirs des Sud-américains et des Africains
ont été tout simplement déçus : aucun plan de développement viable n’a été
proposé pour l’Afrique, et si les économies sud-américaines se sont
améliorées ce n’est sûrement pas grâce aux politiques imposées par le Fonds.
D’ailleurs, paradoxalement, ce sont les pays ayant soldé leur compte avec
cette institution qui ont connu une sorte de redressement de la situation de
leur économique. Pour certains experts, l’échec le plus patent de M. Rato,
c’est de n’avoir pas pu ou su ‘’changer le mode de désignation des
administrateurs encore moins la gouvernance de cette institution’’.

Peut-on expliquer sa démission à mi-mandat parce que n’ayant pas pu reformer
cette institution comme il l’avait promis comme une anticipation de
l’aggravation de la crise multiforme que connaît le FMI : crise de
représentativité, création prochaine par les pays d’Amérique Latine de la
Banque du Sud et d’un fonds monétaire de stabilisation pour se passer des
services du FMI, nombreuses interférences politiques qui compliquent son
action et sape le morale des cadres, baisse nette de son encours de prêts ?
Certains le pensent.

Ceci dit, tout n’est pas noir dans le tableau de M. Rato au cours de son
passage à la tête du FMI, puisqu’on lui reconnaît le mérite d’être ‘’un
fervent défenseur du processus d’anticipation dans la gestion des crises
ambitionnait à juste titre de faire évoluer le système de veille du FMI pour
mieux anticiper les crises économiques’’.


DSK sur les pas de son prédécesseur


Rappelons que lors de son élection à la tête du FMI il y a trois ans,
Rodrigo Rato s’était engagé sur six points :

– mise en place d’un système efficace de prévention des crises financières
mondiales ;
– adaptation des programmes économiques à la situation de chaque pays ;
– introduction de plus de diversité dans son personnel ;
– refonte du système des quotes-parts ;
– financement à long terme du Fonds ;
– et amélioration du système de prise de décision.

En consultant le site de M. Strauss-Kahn (www.dsk-fmi.net),
nous avons remarqué pratiquement les mêmes réformes. Or, tout le monde sait
que les Américains se sont opposés à la légère modification du système des
quotes-parts et à la vente d’une partie des réserves en or du Fonds pour son
financement proposées par Rato ; pas plus que les autres réformes annoncées
n’ont avancé. Dans ce cas, la question qui se pose est de savoir comment et
quels moyens utilisera Strauss Kahn pour réussir les reforme qu’il promet ?
Compte-t-il utiliser, éventuellement, la ‘’nouvelle lune de miel’’
franco-américaine ? C’est fort possible, mais quand on sait que les
Américains sont connus pour mettre en avant les affaires plutôt que les
amitiés, tout porte à croire que DSK aura du pain sur la planche.

En tout cas, une chose est claire : le FMI enregistre une forte baisse de
son encours de prêts due aux remboursements anticipés des dettes de certains
pays et à la rupture de toute relation avec d’autres (Argentine, Brésil,
Mexique, Uruguay, Venezuela, sans oublier la Thaïlande, l’Indonésie, la
Corée du Sud, la Russie, le Nigeria, ou l’Algérie…). Ce qui veut dire que le
Fonds se doit de trouver impérativement de nouvelles sources pour assurer
ses besoins de financement à long terme ; des besoins estimés à 245 millions
de DTS en 2010 (selon le rapport Crockett-2007).

Les spécialistes pensent que le FMI peut explorer au moins quatre
possibilités pour pouvoir combler ses besoins de financement.

C’est d’abord, procéder à ‘’une augmentation de ses taux de charge’’, mais
avec l’inconvénient d’alourdir le service de la dette des pays pauvres et
déjà très endettés. Ensuite, ‘’l’utilisation de ses réserves pour financer
son fonctionnement’’, mais d’aucuns considèrent cette solution suicidaire
pour le Fonds car les réserves finiront par s’épuiser. Puis, le recours à
‘’la facturation de l’assistance technique’’, ce qui aura pour effet de
consommer la grande partie des crédits accordés aux différents pays. Enfin,
vendre ‘’une part du stock d’or du FMI et l’investissement des revenus de
cette vente afin d’utiliser les intérêts pour financer les besoins du
Fonds’’, une proposition considérée comme la plus la plus raisonnable des
toutes mais à laquelle les Etats-Unis sont farouchement opposés.

A partir de là, une autre question se pose : ‘’d’où viendra l’argent pour
financer les activités du fonds et assurer son fonctionnement?’’. Réponse :
de ce qui lui restera comme clients, essentiellement les pays africains –et
encore ! Car, tout porte à croire que, ‘’après la création de la Banque du
Sud et du Fonds monétaire de stabilisation par les pays d’Amérique Latine,
ceux-ci n’auront plus besoin de faire appel au FMI pour leur besoin de
financement et encore moins à sa partenaire, en l’occurrence la Banque
mondiale.

Et pour ne rien arranger des affaires du FMI, Pékin vient de lancer un fonds
d’investissement d’Etat doté de 200 milliards de dollars (140 milliards
d’euros), le septième des réserves de change chinoises, dont l’objectif est
de diversifier les investissements chinois. Et à ce titre, la Chine,
intéressée par l’Afrique (ses métaux précieux et ses hydrocarbures, mais
aussi le commerce de produits finis), ne manquera pas de mettre une bonne
partie de ce pactole à la disposition des Africains, avec sans doute des
conditions moins contraignantes que celles du FMI –l’objectif de ce dernier
dans tous les programmes et autres initiatives dans lesquels il engage le
continent étant de s’assurer que les pays africains seront aptes à
rembourser les prêts qu’il leur consent.

Tout ceci nous amène à tout simplement dire que M. Strauss-Kahn a tous les
ingrédients pour rendre son tablier avant terme. Ce qu’on ne lui souhaite
évidemment pas !