Coupable du yen faible, la ménagère nippone y laisse son bas de laine

 
 
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Une Japonaise vérifie une liasse de billets, le 13 juillet 2006 à Tokyo (Photo : Kazuhiro Nogi)

[24/08/2007 07:22:49] TOKYO (AFP) “Madame Watanabe”, la ménagère japonaise imaginaire couronnée nouvelle reine du marché des changes, a subi de grosses pertes à cause de la crise des prêts immobiliers “subprime”, mais elle ne va pas pour autant s’arrêter de vendre des yens, prédisent les analystes.

La brusque appréciation du yen à la mi-août dans la foulée de la crise du “subprime” a fait prédire à certains observateurs la mort du “carry trade”, une pratique spéculative devenue très en vogue parmi les particuliers japonais, qui se sont mis à parier des millions sur la chute de leur propre devise.

Fatigués des comptes-épargne au rendement ridiculement faible, femmes au foyer –qui tiennent traditionnellement les cordons de la bourse dans les familles japonaises–, retraités et “salarymen” nippons dynamisent ainsi leur bas de laine en vendant leurs yens pour acheter, souvent sur internet, des devises plus rémunératrices comme les dollars australiens ou néo-zélandais.

La métaphore de “Madame Watanabe” pour désigner le coupable de la hausse permanente de l’euro ou du dollar a ainsi remplacé, dans l’imaginaire des cambistes, celle des “gnomes de Zurich”, ces puissants banquiers autrefois accusés de déstabiliser les devises par d’obscurs complots spéculatifs.

Mais le pari de la ménagère était risqué: la principale cause de la baisse du yen résidait dans le fait que beaucoup pensaient qu’il baisserait encore.

De fait, quand les investisseurs japonais se sont mis à rapatrier massivement leurs avoirs placés à l’étranger pour les mettre à l’abri de la crise, faisant brutalement s’apprécier la devise nippone, la spirale spéculative s’est inversée.

La pilule a été amère pour les autres “carry-traders” amateurs.

La devise nippone, qui évoluait aux alentours des 120 yens pour un dollar début août, a brusquement grimpé jusque sous la barre des 112 yens le 17 août.

Selon Tohru Sasaki, stratège chez JP Morgan, le montant total des paris à court terme de Japonais sur l’appréciation de devises étrangères s’élevait à environ 7.000 milliards de yens (45 milliards d’euros) juste avant le début de la tempête financière mondiale. En seulement une semaine, 3.800 milliards ont été hâtivement reconvertis en yens par des petits investisseurs paniqués.

“Il doit y avoir des gens qui ont perdu des fortunes, probablement plus que leur mise initiale”, estime Masaaki Saito directeur général adjoint de la société de changes en ligne Gaitame.com.

“Je pense que le carry trade est plus ou moins terminé”, estime pour sa part Mark Cutis, responsable des investissements chez Shinsei Bank. “Cette pratique, dont tous les banquiers connaissaient l’existence, devaient forcément s’arrêter à un moment ou à un autre. Ce qui devait arriver est arrivé”.

Pourtant, le yen a récemment recommencé à se déprécier face aux autres devises, suggérant que “Madame Watanabe” s’est remise à l’ouvrage.

Il faut dire que la Banque du Japon, qui a maintenu jeudi son taux directeur inchangé à 0,50%, n’encourage guère les particuliers japonais à laisser dormir leur argent dans leurs comptes rémunérés localement.

La récente flambée du yen “a sûrement un peu douché l’ardeur des petits investisseurs japonais à vendre des yens”, concède James Gow, directeur de la société de changes en ligne pour particuliers FXOnline Japan.

“Mais le carry-trade a bien fonctionné pour eux dans le passé et il est difficile d’abandonner les bonnes choses. C’est sentimental”, ajoute-t-il, soulignant que les deux tiers de ses clients continuent à vendre des yens.

 24/08/2007 07:22:49 – © 2007 AFP