Le Nobel de la paix veut reléguer la pauvreté au musée grâce au microcrédit

 
 
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Le Bangladais Muhammad Yunus quitte l’Institut Nobel après une conférence de presse, le 9 décembre 2006 à Oslo (Photo : Daniel Sannum Laute)

[09/12/2006 16:46:37] OSLO (AFP) Le prix Nobel de la paix 2006, le Bangladais Muhammad Yunus, a affirmé samedi à Oslo que son pays, l’un des plus déshérités au monde, était sur la bonne voie pour réduire la pauvreté de moitié grâce au microcrédit, estimant aussi que la recette était universelle.

Les progrès réalisés depuis 15 ans “mettent le Bangladesh sur la bonne voie pour atteindre les objectifs du Millénaire” de l’ONU qui visent à diviser par deux la pauvreté dans le monde entre 1990 et 2015, a déclaré M. Yunus à la veille de recevoir le Nobel.

“Si le Bangladesh peut le faire, tout le monde peut le faire”, a ajouté l’économiste philanthrope, âgé de 66 ans, au cours d’une conférence de presse à l’Institut Nobel.

Surnommé le “banquier des pauvres”, Muhammad Yunus partage la prestigieuse récompense avec la Grameen Bank, son établissement spécialisé dans les prêts aux nécessiteux.

Lors de l’attribution du prix le 13 octobre, le président du comité Nobel, Ole Danbolt Mjoes, avait expliqué qu'”une paix durable ne pouvait pas être obtenue sans qu’une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté”.

“La pauvreté est une menace pour la paix (…). Cela a déjà été dit dans le passé mais jamais d’une manière aussi retentissante” qu’avec ce Nobel, a affirmé M. Yunus en écho samedi.

“Le prix Nobel de la paix nous a apporté, à ma banque et moi, beaucoup de visibilité”, a-t-il ajouté. Avant lui, “quand je criais, on m’entendait à peine (…). Aujourd’hui, si je chuchote, tout le monde me reçoit cinq sur cinq”.

L’octroi de prêts minuscules –une centaine de dollars en moyenne– et sans garantie a permis à des millions de Bangladais de sortir de la pauvreté en achetant des outils, des animaux ou des téléphones portables avec lesquels ils ont lancé une activité artisanale, un élevage ou une petite entreprise.

La pratique du microcrédit, dont M. Yunus est l’un des pionniers, a essaimé: plus de 100 millions de personnes y ont eu recours à travers le monde.

Aujourd’hui membre du conseil d’administration de la Grameen Bank, la Bangladaise Mosammat Taslima Begum a expliqué comment le micro-prêt d’une vingtaine de dollars qu’elle a reçu en 1992 lui avait mis le pied à l’étrier, en lui permettant d’acheter une chèvre.

Outre des économies, elle possède maintenant des manguiers, un cyclopousse avec lequel son époux travaille et une activité de couture.

“Si vous multipliez Taslima par sept millions, vous avez une idée de l’impact de la Grameen Bank au Bangladesh”, a affirmé M. Yunus.

Les bénéficiaires des micro-prêts de la banque sont à 97% des femmes. Selon le lauréat, l’expérience montre qu’elles sont plus efficaces pour apporter un peu de confort matériel à leurs familles.

La discrimination positive des femmes s’est heurtée à une certaine opposition des milieux religieux, dans un pays essentiellement musulman, a expliqué M. Yunus.

“Aujourd’hui, je ne perçois pas l’opposition des religieux comme très forte”, a-t-il cependant ajouté, en soulignant que le microcrédit s’était étendu à des pays pratiquant un islam conservateur, tels que l’Arabie saoudite, l’Egypte ou le Pakistan.

M. Yunus a également rejeté les critiques selon lesquelles le microcrédit avait pour effet d’endetter, avec des taux d’intérêt élevés, des personnes déjà défavorisées.

“Si on ne prend pas d’intérêt (…), le système devient dépendant de la charité de quelqu’un. Si vous voulez atteindre des milliards de personnes, cela ne peut se faire que comme un business”, a-t-il dit.

Le prix Nobel de la paix (un chèque d’environ 1,1 million d’euros) lui sera remis dimanche, ainsi qu’à un représentant de la Grameen Bank, à l’Hôtel de ville d’Oslo.

 09/12/2006 16:46:37 – © 2006 AFP