Sans que personne ne le lui demande, le ministre du Transport, Rabii El Majidi, avait déclaré, mi-octobre 2022, que la société qui réalisera la première phase du projet du Port en eaux profondes d’Enfidha et de la Zone logistique avoisinante sera annoncée à la fin du même mois.

Le ministre avait même précisé que « trois offres proposées par trois groupements de grandes entreprises internationales spécialisées dans la construction portuaire ont été retenues ».

Selon nos informations, sur six entreprises en lice, les groupes Bouygues (France) et China Harbour Engineering Company LTD (CHEC) – deuxième plus grande entreprise de dragage au monde) – seraient les grands favoris devant les autres dont le français Eeffage et Vinci construction grands projets.

En on l’aura compris, cette promesse du ministre n’a pas été tenue, car un mois et demi après cette déclaration faite en marge de la deuxième édition du Salon international de l’aérospatiale et de la défense “IADE Tunisia” (du 12 au 16 octobre 2022), à l’aéroport Enfidha-Hammamet, rien n’a filtré sur le nom de cette entreprise.

Pour preuve, dans la même déclaration, le ministre nous apprend que son département est en train « d’examiner et d’étudier les offres avec l’appui d’un bureau spécialisé dans le tri des offres d’un point de vue technique, outre la coordination avec les parties compétentes afin d’évaluer les offres financières ».

Pourquoi le ministre avait-il fait cette annonce alors que, apparemment, son département n’était pas encore sûr du nom de l’entreprise qui réalisera le premier lot de ce mégaprojet ?

D’après certains bruits de couloirs, El Majidi aurait été sommé de reporter l’annonce de la nouvelle relative à la nationalité de l’entreprise qui se chargera de la réalisation de la première tranche du mégaprojet en ce sens où le marché aurait été remporté par l’entreprise chinoise (CHEC).

En clair, il ne fallait pas mettre mal à l’aise la délégation française conduite par le chef de l’Etat français Emmanuel Macron au Sommet de la Francophonie tenu à Djerba les 19 et 20 novembre 2022.

Le PEP ne serait du goût des Français ?

Certains disent que le Port en eaux profondes d’Enfidha n’a jamais du goût des Français, car il ne servirait pas leurs intérêts logistiques en Méditerranée.

En effet, lors d’une réunion du Conseil régional du gouvernorat de Sousse, en septembre 2017, consacrée à ce mégaprojet, le remuant ambassadeur de France en Tunisie à l’époque, Olivier Poivre d’Arvor, avait déclaré que le PEP d’Enfidha risque «… de compromettre les intérêts des groupe français CMA-CGM, un des leaders mondiaux de transport maritime, qui utilise le  “Malta Freeport” (important port franc) situé au sud-est de l’île de Malte et dédié au transbordement des conteneurs ».

Le groupe français perdrait 25% de son chiffre d’affaires si le port en eaux profondes d’Enfidha voyait le jour, aurait indiqué le diplomate français.

Pour mémoire, cette information, relayée par plusieurs médias de la place, n’a jamais été démentie par les services de l’ambassade de France en Tunisie. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit avérée.

Le Port en eaux profondes d’Enfidha, bien qu’il ait été en stand-by depuis 2007, demeure rentable selon les conclusions d’un bureau d’études allemand «HPC» chargé de mette à niveau l’étude de faisabilité technico-économique et de l’adapter aux nouvelles exigences de compétitivité et de rentabilité.

Les conclusions de la nouvelle étude sont rassurantes pour peu que certaines conditions soient réunies. Ainsi, le bureau «HPC» a démontré que « le port en EP d’Enfidha reste bancable et rentable. Il pourrait capter 10 % au moins de la hausse du trafic maritime international,

Pour soutenir financièrement le mégaprojet, le gouvernement tunisien a pris, au mois de février 2022, la décision de garantir un crédit de 769 millions de dollars, soit 2,212 milliards de dinars, pour réaliser le port en eaux profondes dans la zone d’Enfidha.

Quant au premier lot, il concernera la construction d’un quai qui s’étend sur 1 200 mètres extensible de 800 mètres dans une seconde phase.

Situé à 100 km de Tunis, à 40 km de Sousse et à 170 km de Sfax, le complexe du Port d’Enfidha, qui sera réalisé en partenariat public (60%) privé (40%), s’étend sur une superficie globale de 3 000 hectares dont 1 000 ha pour le seul port et le reste pour la zone économique et logistique avec une profondeur de 19 mètres contre 10 mètres pour le Port de Radès. Il prévoit également un quai spécialisé dans le traitement des conteneurs dont la longueur est de 3 600 m, et un quai spécialisé pour les vrac avec une longueur de 1 400 m.