Des experts en toxicologie et en médecine du travail mettent en garde contre les risques sanitaires de l’exposition au plomb dans les peintures, notamment pour les enfants. Selon eux, 30 marques de peintures produites localement contiennent du plomb, un métal hautement toxique ajouté à la peinture pour lui donner la couleur désirée ou aider à accélérer son séchage.

Se basant sur un rapport présenté lors d’un atelier organisé récemment sur cette question, les spécialistes ont fait savoir que la Tunisie fait partie des pays où l’utilisation de la peinture au plomb dans les foyers et les écoles n’est pas interdite, ce qui augmente fortement le risque d’exposition à ce métal toxique, notamment chez les enfants.

A cet égard, Jihen Houssaynette, docteure en médecine de travail, recommande d’interdire l’usage de matières dangereuses telles que le blanc de plomb et le sulfate de plomb dans les travaux de peinture et d’embellissement pratiqués dans les établissements éducatifs.

Elle appelle également à assurer un contrôle régulier des travailleurs les plus exposés au plomb, et à intervenir pour en limiter les conséquences. En effet, la quantité de plomb inclue dans les peintures, dans certains pays, est 400 fois supérieure à celle autorisée dans les pays développés, selon les experts du Réseau international pour l’élimination des Polluants Organiques Persistants (POP).

De même jusqu’à septembre 2019, 73 pays uniquement disposaient de mesures juridiques permettant de limiter la production, l’importation et la vente de peinture au plomb, ce qui ne représente que 38 % de l’ensemble de pays dans le monde, d’après le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) Le plomb responsable de la baisse des performances intellectuelles chez les enfants

D’après un rapport, réalisé par l’UNICEF en partenariat avec l’organisation internationale à but non lucratif Pure Earth, 800 millions d’enfants dans le monde peuvent être exposés au plomb toxique, ce qui nuiraient à leurs santés.

Un enfant sur trois peut être victime d’une intoxication au plomb

La plupart de ces enfants sont issus de pays à revenu faible ou intermédiaire, dont ceux de sud de l’Asie et de l’Afrique.

Selon le même rapport, les bébés et les enfants de moins de 5 ans sont les plus exposés au danger, étant donné que leurs cerveaux sont encore en phase de croissance et que le plomb que contiennent les peintures peut les altérer gravement.

L’exposition au plomb chez les enfants est mesurée au microgramme par décilitre de sang ou par litre de sang. Une augmentation du taux de concentration de plomb chez les enfants en bas âge nuit à leur développement neurocognitif et comportemental.

Même des degrés faibles de plombémie sont parfois associés, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à une baisse de l’intelligence chez l’enfant, à des problèmes comportementaux et à des difficultés d’apprentissage. A mesure que l’exposition au plomb augmente, la diversité et la gravité des symptômes et des effets s’accroissent également.

Responsabilité du ministère de l’éducation

La présidente de l’Association de l’éducation environnementale pour les futures générations et coordinatrice du réseau International IPEN (International Polluants Elimination Network) de la région MENA, Samia Gharbi a indiqué que ” le ministère de l’Education devrait être attentif à la composition des peintures utilisées dans les établissements scolaires fréquentés par un grand nombre d’enfants et d’élèves “.

Elle a souligné dans une déclaration à l’agence TAP, que “les consultations avec les industriels ont abouti à des résultats positifs étant donné que ces derniers ont affirmé leur disposition à réduire la contenance en plomb et en substances nocives pour la santé et l’environnement en attendant la mise en place du cadre juridiques adéquat”.

Entre temps, les entreprises spécialisées dans la production des peintures sont appelées à afficher les composants des peintures produites sur les réservoirs et à indiquer si ces peintures contiennent du plomb ou des substances toxiques pour permettre aux consommateurs de faire le bon choix, a-t-elle dit.

Bientôt une loi régissant l’industrie des peintures

La Tunisie prépare actuellement un texte de loi en vue de limiter le taux de plomb et de cadmium dans les peintures industrialisées et importées, puis distribuées sur le marché tunisien, ainsi que dans les solvants organiques, tels que le “benzène” et le “toluène”.

Dans une deuxième étape, il est prévu d’éliminer les additifs toxiques dans les peintures afin de préserver la santé publique et de protéger l’environnement.

Cette législation sera prête fin de l’année 2022, a indiqué le directeur de l’environnement industriel au ministère de l’Environnement, Youssef Zidi, cité par l’Agence TAP, lequel précise que cette loi sera adoptée par les départements e l’Environnement et de la Santé, ce qui va aider à organiser le secteur de la production de peinture et l’adapter aux normes de qualité sanitaire et environnementale.

L’accélération de la publication de cette loi dépend des industriels qui ont manifesté, à ce stade, leur adhésion à ce projet…

Ainsi, ce projet présenté au public par les autorités de l’environnement et sanitaires dans sa version pré-finale, fixera les taux de plombs et de ses composantes, dans la limite de 90 milligrammes par kg, ainsi que de cadmium et de ses composants dans les limites de 100 mg/kg, tout en maintenant les proportions de solvants à des niveaux conformes aux normes internationales.

Il s’agit de favoriser une gestion saine de ces produits chimiques, en termes de production et d’utilisation, tout en préservant la santé de l’être humain, et l’environnement. La Tunisie compte parmi les premiers pays ayant ratifié la Convention de l’OIT du 25 octobre 1921 interdisant l’utilisation de la céruse et du sulfate de plomb dans les peintures, et ce grâce au décret beylical du 19 octobre 1934.