Depuis qu’ils ont pris le pouvoir, les Nahdhaouis ont eu pour principal souci de se servir plutôt que de servir leurs compatriotes toutes obédiences politiques confondues. Ils se sont davantage dédiés à asseoir leur contrôle politique, économique et social du pays qu’à essayer de trouver des solutions aux multiples problèmes de la population. Et aujourd’hui ils le paient très cher par ce qui a tout l’air d’une sortie progressive du pouvoir.

1,5 million de voix à l’élection de l’Assemblée nationale constituante (ANC) du 23 octobre 2011 et 561 000 aux législatives d’octobre 2019. En huit ans, le mouvement Ennahdha a perdu près des deux tiers de son électorat. Et il aurait certainement vu un plus grand nombre de Tunisiens lui tourner le dos lors de ce dernier scrutin si le parti dirigé par Rached Ghannouchi n’avait pas opportunément brandi de nouveau l’étendard de la révolution et de l’islamisme et rangé au placard son discours, développé depuis 2014, sur «la démocratie islamisme» -à l’instar de la démocratie chrétienne.

Le million de Tunisiens ayant voté pour le parti islamiste en 2011 et qui s’en sont détournés depuis ne sont probablement ni nahdhaouis ni islamistes. Ce sont des musulmans pratiquants qui ont cru trouver dans le parti islamiste ce que les autres formations n’ont pas pu ou su leur apporter : la droiture. Une attente et une exigence que l’opinion publique a résumé a posteriori pour exprimer sa déception vis-à-vis d’Ennahdha par une phrase -prononcée au lendemain des élections de 2014 qui ont marqué le début du reflux électoral islamiste- entrée depuis dans l’histoire : «Nous pensions qu’ils craignaient Dieu » (كنا نظنوهم يخافو ربي).

Cette phrase en dit long sur les raisons du désamour d’un nombre de plus en plus grand de Tunisiens à l’égard du parti islamiste. Elle veut d’abord dire que ce n’est pas à cause de leur incompétence dans la gestion des affaires du pays que les Tunisiens ont tourné le dos à cette formation. Car tout le monde sait que l’accès aux postes de responsabilité au sein de leur l’Etat étant réservé exclusivement, avant le 14 janvier 2011, à ceux qu’on appelle «les enfants du régime», les opposants en général et islamistes en particulier n’y avaient pas droit et n’ont pas pu de ce fait faire leur apprentissage.

La référence à la «crainte de Dieu» a une seule signification : les Tunisiens attendaient des responsables d’Ennahdha, en général, et de ceux ayant accédé à des responsabilités, en particulier, un comportement différent et tranchant complètement avec celui de leurs prédécesseurs. Ils en attendaient qu’ils fassent preuve d’un total attachement au service des intérêts du pays et d’un aussi total désintérêt pour les avantages «bassement» matériels que l’exercice du pouvoir peut procurer.

Les Nahdhaouis ont-ils été à la hauteur de cette attente ? Visiblement pas du tout, puisque c’est là la signification principale du «décrochage» électoral du parti islamiste, le nombre des Tunisiens n’adhérant plus aux thèses islamistes, voire qui y sont franchement opposés, ne cesse de grandir.

De fait, depuis qu’ils ont pris le pouvoir, les Nahdhaouis ont eu pour principal souci de se servir plutôt que de servir leurs compatriotes toutes obédiences politiques confondues. Ils se sont davantage dédiés à asseoir leur contrôle politique, économique et social du pays qu’à essayer de trouver des solutions aux multiples problèmes de la population. Et aujourd’hui ils le paient très cher par ce qui a tout l’air d’une sortie progressive du pouvoir.

M.M.