Malgré l’entrée à l’OMC, le Laos reste à “huis clos” avec ses voisins

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à la frontière chinoise, en mars 2011 (Photo : Hoang Dinh Nam)

[02/02/2013 10:43:51] BANGKOK (AFP) Le Laos devient samedi le 158e membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une étape clé pour l’intégration internationale du pays communiste qui ne devrait cependant pas parvenir à briser le “huis clos” dans lequel il est enfermé avec ses voisins, selon les analystes.

Quinze ans après avoir demandé à rejoindre les instances suprêmes du commerce planétaire, Vientiane a conclu fin 2012 des négociations qui l’ont forcé à adopter des dizaines de lois sur les investissements, l’import-export ou les règles sanitaires.

Cette activité, inégalée pour ce pays sous la coupe d’un régime communiste depuis 1975, devrait permettre de créer un “environnement légal un peu plus stable” et d'”amener de nouveaux investisseurs occidentaux”, estime Guy Apovy, président de la Chambre européenne de commerce et d’industrie au Laos.

Mais les évolutions seront aussi lentes qu’à la marge, sous le regard attentif de Pékin, Hanoï et Bangkok, qui depuis des années se partagent le gâteau laotien.

“L’adhésion à l’OMC n’est sans doute pas seule de nature à réduire considérablement l’influence des puissants voisins du Laos”, estime un expert étranger. Mais elle “participe de la volonté des dirigeants d’échapper à un huis clos avec la Thaïlande, la Chine et le Vietnam”.

Sur la période 2000-2011, ces trois pays ont occupé le tiercé de tête des investisseurs étrangers, avec 4,7 milliards de dollars pour le Vietnam, 3,4 milliards pour la Chine et 2,8 milliards pour la Thaïlande, selon des chiffres du ministère de l’Investissement. Aucun autre pays n’a dépassé les 600.000 dollars.

Certaines ONG accusent les trois voisins de piller les richesses naturelles, notamment le bois et les minerais, sur lesquelles repose le développement du pays.

“Ils ne sont pas dominants au point de pouvoir voler les ressources naturelles”, conteste Guo Yu, analyste chez Maplecroft. Mais leurs entreprises “peuvent détourner les processus de gouvernance et les priorités économiques du Laos en soudoyant des ministres et responsables-clés”.

Au delà de l’origine des investissements, le Laos fait aussi face à un autre défi lié à leur taille, note Christian Taillard, directeur de recherche CNRS au Centre Asie du Sud-est à Paris.

“Le pays est passé de petits et moyens projets de développement à des grands et des méga-projets” qu’il gère comme des petits. “Donc il se fait exploiter par les investisseurs étrangers”, estime-t-il.

Parmi ces grands projets, la première ligne ferroviaire du Laos doit relier dans quelques années Vientiane à la frontière chinoise. Le Laos, relève Taillard, a “intérêt” à se “placer sur un axe international” qui devrait à terme rejoindre Singapour.

Mais d’autres sont plus sceptiques sur ce projet conçu par la Chine, construit par une entreprise chinoise et financé par un prêt de 7 milliards de dollars d’une banque d’Etat chinoise.

Jayant Menon, économiste de la Banque asiatique de développement, s’interroge ainsi sur la pertinence d’un “énorme” endettement pour un train quand le réseau routier “est encore si faible”. “Les priorités ne sont probablement pas dans le bon ordre”.

A cet égard, l’adhésion à l’OMC pourrait donner du poids à Vientiane pour résister à la pression de voisins trop gourmands. Y avoir un siège constitue “une opportunité d’accords plus juste pour des petits pays”, assure Menon, en soulignant l’accès “à un mécanisme très efficace de règlement des disputes”.

Et les investisseurs étrangers auront peut-être plus de latitude pour se joindre à la bagarre sur le marché des ressources naturelles. Un secteur qui sera “certainement, à juste titre, un des principaux axes de développement des dix prochaines années”, note Apovy.