Tunisie : 13 août 2012… Touche pas à mon égalité!

 

femme-tunisiennes-220.jpgLes parties, qui ont appelé à manifester le 13 août 2012, sur l’Avenue Habib Bourguiba, semblent bien décidées à aller de l’avant. Eu égard à l’enjeu: défendre la liberté de la femme et ses acquis. La première ébauche de l’article 29 de la Constitution, adopté par la Constituante, constitue, à leurs yeux, un recul grave en la matière. Comment accepter cette «complémentarité» dans un pays qui a institué, en 1956, une égalité entre les deux sexes.

La journée du 13 août 2012 risque d’être bien chaude, à Tunis, si les composantes de la société civile, qui ont appelé à manifester sur l’Avenue Habib Bourguiba, tiennent bon en refusant l’interdiction du ministère de l’Intérieur qui a soutenu «son incapacité d’assurer la sécurité des manifestants».

La journée sera-t-elle un remake de la manifestation du 9 avril 2012 lorsque des manifestants, ayant également bravé une interdiction du ministère de l’Intérieur, avait tourné à l’affrontement provoquant des scènes de violences?

D’ici là, on verra. Et il est à espérer que le pays ne se retrouve pas face à d’autres actes de violences. Notamment après ceux que vient de connaître, le jeudi 9 août 2012, la ville de Sidi Bouzid, le berceau de la révolution tunisienne.

Déterrer la hache de guerre

Pour l’heure, les parties qui ont appelé à la manifestation semblent bien décidées à aller de l’avant. Eu égard à l’enjeu: défendre la liberté de la femme et ses acquis. La première ébauche de l’article 29 de la Constitution, adopté par la Constituante, constitue, à leurs yeux, un recul grave en la matière.

Celui-ci évoque une «complémentarité» entre l’homme et la femme et non une égalité. Ce qui ne pouvait, il fallait s’y attendre, que provoquer une large contestation de la part de pans entiers de la société très sensibles au principe d’égalité entre l’homme et la femme.

Cette version de l’article 29 ne fera pas du reste taire la contestation que si le texte en question sera revu et corrigé. L’article 29 mobilise déjà en dehors des frontières de la Tunisie, ou à l’instar du projet de loi punissant l’atteinte au sacré, des ONG commencent à fourbir leurs armes. Voire à déterrer la hache de guerre.

Ceux qui contestent ce projet n’arrivent pas à comprendre comment peut-on en arriver là dans un pays où la femme a toujours bénéficié d’acquis certains et d’un statut particulier. La Tunisie est en effet le seul pays arabe et musulman, qui a, déjà, inventé, au IXème siècle, le fameux «contrat de mariage kairouanais» obligeant tout candidat à un second mariage à obtenir l’accord de sa première épouse.

Il est connu que «le calife Al-Mansour s’est réfugié, avant le succès de la dynastie abbasside, en Ifriqiya chez Mansour Ibn Yazid Al-Himyari », soutient le site www.femme.valorisation-patrimoine.nat.tn. «Il fut ébloui par la beauté de sa fille Aroua et demanda sa main; elle accepta à condition qu’Al-Mansour ne prenne pas une autre épouse ou concubine. Il s’exécuta».

Avant la proclamation de la République

Et c’est une princesse aghlabide (IXème siècle), Fatma Al Fihrya, qui a construit une des plus grandes universités marocaines, à Fès: l’Université des «Al Quarouiyine». Qui a été la deuxième université du monde musulman, après celle de Kairouan. Et bien avant celle d’Al Azhar (Egypte), construite par les Fatimides, venus au XIème siècle de la ville de Mahdia.

La Tunisie est, par ailleurs, l’un des rares pays, au XIème siècle, et sous le règne des Zirides (après le départ des Fatimides pour le Caire), à avoir été gouverné (en tant que régente) par une princesse: Oum Millel. Une femme cultivée, pieuse, juste et droite qui a été la tante d’un grand émir ziride Al Moez Ibnou Badis, arrivé, en 1015, au trône à l’âge de huit ans. Elle l’avait initié à la gestion des affaires publiques.

Le Code du Statut Personnel (CSP) viendra plus tard. Et détail de l’histoire, le président Habib Bourguiba, le proclama (le 13 août 1956) alors que la Tunisie venait à peine d’accéder à l’indépendance (le 20 mars 1956) et avant que le pays ne devienne une République (le 25 juillet 1957).

Ce texte, comme on le sait, a catégoriquement libéré la femme d’un ensemble de servitudes qui sont aux yeux de beaucoup d’exégètes dues à une mauvaise interprétation des préceptes de l’Islam: il met fin à la polygamie, interdit la répudiation et instaure une procédure pour le divorce et instaure un âge minimum pour le mariage. Et il institue une égalité entre l’homme et la femme au plan de la citoyenneté.

Un texte qui, encore à en croire certains spécialistes, est en avance même sur un certain nombre de pays occidentaux. Un texte qui n’a pas son pareil dans tous les pays arabes et musulmans. Exception faite, peut-être, du Maroc, qui a institué, en mars 2004, une réforme de la Moudawana (Code du statut personnel) qui a œuvré en vue d’instituer une égalité juridique entre les hommes et les femmes.

Alors parler de «complémentarité» entre l’homme et la femme en Tunisie et non d’égalité, cela ne peut que faire réagir. Tant la crainte que cette «complémentarité» ne favorise des écarts importants et qu’elle ne soit une couleuvre que la Troïka souhaite faire avaler aux femmes afin de changer la nature de la société tunisienne. Qui sait?