Tunisie : «La Grande Bretagne a aidé à la “Big Offer“ du G8 en faveur de la Tunisie», affirme Chris O’connor, ambassadeur


christ-13052011-art.jpgWMC: La Révolution a fait pousser un printemps en plein hiver, n’est-ce pas un
exploit?

Chris O’connor: Impressionnant! Ce peuple qui a enduré pendant 23 ans et qui se
dresse avec courage et dignité pour reprendre sa souveraineté sans violence et
dans un élan pacifique et civilisé.

Et même si on n’a pas fait un parcours sans faute, comment apprécier la feuille
de route de la transition?


Le soir du 13 (janvier, ndlr), on ne pouvait imaginer un scénario meilleur que
celui que le pays vit à l’heure actuelle. Et malgré les allers retours sur
certaines questions, telle la date des élections, nous observons un consensus
sur les valeurs et les principes à adopter et une détermination à y aller. La
direction est bonne, et par conséquent le pays va y arriver.

Quatre-vingt partis politiques. Cela congestionne le paysage du pays?


Je dois dire que quatre-vingt partis, c’est beaucoup. Mais compte tenu de
l’appétit d’expression et du désir d’exister sur la scène pour les courants
politiques, c’est un peu normal.

Pour mémoire, vous n’avez que deux grandes formations en GB?


Ah pas seulement. Il en existe deux à la barre et une autre dans l’opposition
puis un parti dédié aux Ecossais, un autre aux Gallois, un parti vert et j’en
passe. Mais vous verrez que le paysage va se restructurer sur le long terme avec
des coalitions et des rassemblements.

Quel rôle pour les extrêmes à l’avenir?


Cela dépendra de leur base populaire. C’est le peuple qui décidera qui sera
maître du jeu et qui devra conduire les affaires du pays. Ce qui est important
c’est qu’il existe une discipline pour respecter les règles du jeu. Les partis
qui respecteront les règles du jeu resteront dans la partie.

Les règles du jeu ne sont pas encore écrites, il faut attendre la Constitution.

C’est vrai. J’entends que les partis doivent se conformer aux règles de raison
et de principe tel qu’un financement transparent et une conviction démocratique.

Le peuple anglais nous a adressé un satisfecit chaleureux à l’occasion de la
Révolution, mais l’aide matérielle du gouvernement n’a pas suivi?


La GB agit sur deux niveaux. De l’aide aux pays démunis et du partenariat avec
les pays émergents tel que la Tunisie. Et nous ne changerons pas. Cependant,
nous apportons une contribution active dans bien des domaines et notamment de
l’expertise britannique en matière de processus. Nous soutenons la société
civile. Et avec les médias nous sommes prêts s à aider à faire émerger un code
intra professionnel de déontologie à l’image du code anglais. C’est dans le but
de discipliner la profession pour préciser les droits et responsabilités des
medias. On peut envisager de faire émerger des structures tel que Al Jazeera
Debates
.

De même, nous avons les mêmes prédispositions à aider en matière de réformes
financières. Nous introduirons une nouvelle vision dans nos rapports. Nous
souhaitons que la Tunisie se développe grâce au bon fonctionnement de l’économie
sans recours à l’aide.

Le gouvernement provisoire a clairement fait savoir qu’il a besoin de dons. La
Grande-Bretagne sera-t-elle au rendez-vous?


Nous avons répondu via les banques où nous sommes importants contributeurs,
telles la
BAD, la BEI et la BM.

Au
G8, la Tunisie a négocié une enveloppe de financement pour la refondation de
son économie et la réforme de ses finances publiques. La GB a-t-elle aidé en ce
sens?


Enormément. Nous avons parlé avec nos partenaires avant le sommet de Deauville,
et notre Premier ministre, David Cameron, a appelé en faveur de cette «Big Offer»
pour la Tunisie. Il a parlé d’un changement historique et il a insisté pour
envoyer un message fort aux peuples de la région dans leur combat pour la
démocratie. Ils doivent pouvoir compter sur le concours des grandes puissances.
Et je constate qu’il y a eu un répondant de très bon niveau. Un nouveau
partenariat est en train d’émerger. La donation est un élément important. Mais
il ne faut pas négliger l’appui aux réformes. D’ailleurs, se tiendra bientôt la
Commission des ministres des finances et des affaires étrangères pour
concrétiser la «Big Offer».

Le gouvernement provisoire a pris des résolutions sur l’intégration régionale et
la refondation des finances publiques. Commet les appréciez-vous?


La démarché est la bonne. Je souligne que la
BEI a avancé 1 milliard d’euros en
faveur de l’intégration régionale et que c’est plus que par le passé. Je sais
que le gouvernement transitoire affronte des urgences telles la fin de la
corruption et la gestion des avoirs gelés du clan, mais je vois aussi des plans
de réformes qui se mettent en place et une détermination pour plus de réformes
et de libéralisation des structures économiques.

Philippe Gauthier, émissaire financier du gouvernement britannique, est venu par
deux fois en éclaireur et a pris l’engagement d’aider le pays dans sa vocation
financière régionale. L’offre tient toujours?

On verra avec le nouveau gouvernement élu s’il se décide pour créer le cadre
idoine et la réglementation dédiée. En ce cas, je pense que notre offre se
poursuivra.

On verrait par exemple HSBC ouvrir à Tunis?


Le gouvernement ne peut pas jouer le commutateur des investissements privés. En
revanche, nous pouvons conseiller le gouvernement élu pour créer un
environnement d’affaires attrayant. Et quand il existe de véritables
opportunités, nous les signalons à nos entreprises pour qu’elles les saisissent.

Avec l’UE, la Tunisie plaide pour aller au-delà du Statut avancé et ambitionne
de devenir membre sans l’adhésion? La Grande-Bretagne soutiendra-t-elle cette
démarche?


Je sais qu’on peut aller au-delà du Statut avancé. Tout dépendra de la volonté
tunisienne de réformer. Que sera le répondant européen? Je ne peux le présager.
Il faudrait que les options tunisiennes en matière de gouvernance convergent
vers les repères européens; le terrain sera plus favorable.

Quel pourcentage de réussite de la requête de la Tunisie?


Je ne parie pas sur l’avenir. Le soir du 13 janvier, qui pouvait parier sur la
révolution? J’ai toutefois absolument confiance qu’on peut se rapprocher de cet
objectif. Je ne sais pas à quelle distance de l’objectif ni à quelle vitesse on
irait. On connaît la direction on va pousser dans cette direction.

Les touristes anglais regardent ailleurs. Quel obstacle pour qu’ils viennent en
Tunisie?


Tous les touristes regardent ailleurs pas seulement les britanniques. Je dois
préciser que les Britanniques ont rapatrié le moins de leurs compatriotes lors
des événements et ils étaient de retour avant trous les autres. Et d’ailleurs,
nous avons levé toute réserve sur la destination bien avant beaucoup d’autres
pays. Mais en toute bonne foi, le retour des touristes et l’afflux des
investisseurs sont tributaires du retour de l’ordre, et là je dirais que la
solution est entre les mains des Tunisiens eux-mêmes.

Croyez-vous à un printemps libyen?


Ce qui se passe en Libye est triste et tragique. Nous voulons le départ du
colonel Kadhafi car c’est la volonté du peuple ce à quoi il a répondu par une
répression féroce. Nous ne déborderons pas le cadre des résolutions 1970 et 73
de l’ONU, et c’est la meilleure manière de protéger la population. J’espère que
le colonel Kadhafi et les siens comprendront qu’ils n’ont pas leur place dans
l’avenir de la Libye et nous appuyons tous les progrès dans cette direction tout
en restant favorables à une solution négociée, donc politique.

Quid de la Syrie?


La situation est différente en Syrie. Si le président Assad bascule vers la
démocratie, ce sera acceptable auquel cas, ce sera une évolution pas une
révolution.

Et pour l’Egypte?


Il existe un développement positif en Egypte. Mais je dois rappeler que les
défis sont nombreux. Il existe des défis sociaux, politiques, religieux. La
révolution possède un idéal que nous respectons et nous avons aidé l’Egypte dans
le cadre du G8.

Comment appréciez-vous le discours du président OBAMA?


Un excellent discours avec une annonce claire: une solution négociée et pas
forcée pour le conflit israélo-palestinien. C’est la première fois que nous
voyons des paramètres clairs: la prise en compte des frontières de 1967 avec les
échanges de territoires, Jérusalem capitale des deux pays et une juste
résolution pour les réfugiés. Nous avons dit que c’est le cadre idéal. Nous
sommes contents d’un discours clair avec des paramètres que nous appuyons à
100%.

En l’absence de retour des négociations, voteriez-vous une résolution du Conseil
de Sécurité pour un Etat palestinien?


On ne peut donner une position a priori sur un draft qui n’existe pas encore.
S’il y a une résolution du Conseil de sécurité, nous aviserons. Nous voterons en
conscience et toujours dans l’intérêt des deux parties.