Tunisie-Transport : L’usager entre le marteau des “taxistes haram” et l’enclume des “taxistes halal”

Tous les Tunisois le savent : Tunis est malade de ses “taxistes“ (chauffeurs de taxi). Ainsi, le fait de prendre un taxi est devenu une aventure à haut risque. Il faut constamment faire preuve de grand sang-froid pour éviter de friser une crise de nerfs à chaque fois que vous prenez un taxi.

Une chose est sûre, les agressions verbales, l’insolence, l’incivisme et autres désagréments sont toujours au rendez-vous.

Les plus redoutés d’entre eux ce sont les taxistes arnaqueurs et les taxistes “daéchiens”.

Les premiers sont de véritables bandits. Ils font la pluie et le beau temps. Ils ne prennent que les clients qui se rendent aux endroits et sites qui leur conviennent. Ils demandent la destination avant de vous laisser monter et ne se gênent aucunement de vous faire descendre si vous vous êtes déjà installé. Leur mot d’ordre: “Samehni (désolé), ce n’est pas sur mon itinéraire route”.

Les taxistes arnaqueurs sont mondialement connus

Ces taxistes ont également cette fâcheuse tendance à faire semblant de se tromper de route ou à faire semblant de ne pas la connaître. Le risque pour le client de faire un long détour est monnaie courante.

Ces taxistes n’ont jamais de monnaie et imposent cyniquement au client de descendre pour en chercher, et ce tout en laissant le compteur en marche.

Pour augmenter les tarifs de la course, ils font tout pour choisir les itinéraires où il y a le plus de feux rouges. Parfois ils s’arrêtent pour acheter une bouteille d’eau alors que le compteur est toujours en marche…

Ce type de taxistes est signalé même à l’international pour leur tricherie et arnaque. Les chancelleries accréditées à Tunis, ces observateurs invisibles de la Tunisie, signalent, régulièrement, à leurs compatriotes touristes tous les points forts et les faiblesses de notre pays. Parmi les points faibles signalés, figure le comportement du taxiste tunisien vis-à-vis de l’étranger.

A titre indicatif, elles les informent que les taxis en Tunisie sont tous de couleur jaune. Ils sont bon marché et ont des compteurs. Le problème est que souvent les chauffeurs n’acceptent pas de les utiliser avec des étrangers à qui sont demandées des sommes forfaitaires un peu plus élevées que le tarif normal du compteur.

Et ces chancelleries de recommander des petits trucs aux touristes qui ne veulent pas être arnaqués: «Si le compteur est mis en marche, il faut s’assurer qu’il indique le tarif diurne “A“ et non le tarif de nuit “B“ de 21h à 5h lequel est plus élevé ».

Elles rappellent également à leurs concitoyens cet autre désagrément: «les taxistes tunisiens ne donnent pas de reçu, voire de facture».

Une telle publicité pour un pays qui se dit touristique est le moins qu’on puisse dire scandaleuse et inacceptable.

Des taxistes daéchiens…

Les seconds taxistes les plus craints sont ce qu’appellent les Tunisois les taxistes “daéchiens” ou les taxistes “halal”.

Ces taxistes sont pour leur écrasante majorité des jeunes salafistes au service d’une idéologie, le respect de la Chariaa, c’est-à-dire “le chemin pour respecter la loi de Dieu“ (diverses normes et règles doctrinales, sociales, culturelles et relationnelles édictées par la «Révélation».

Ces taxistes, recrutés massivement au temps de la Troïka d’Ennahdha, ne prennent que les clients Halal: femmes voilées, personnes portant les habits traditionnels, jeunes femmes habillées “correctement“, et bien sûr leurs frères barbus et en kamis…

Ils accélèrent quand ils sont hélés par une personne éméchée ou carrément ivre. Et quand la personne lésée porte plainte parce que le refus de prendre une personne fragile tels que les gens ivres est sévèrement sanctionnée (une amende de 150 dinars), le taxiste incriminé s’en défend en ces termes: “je ne l’ai pas prise parce qu’elle risque de vomir dans la voiture et d’y propager l’odeur de l’alcool qui pourrait faire croire au prochain client ou à la prochaine cliente que c’était moi qui avait bu, ce qui pourrait me porter préjudice”.

Moralité: Ils ont, toujours, une explication clef en main pour justifier leur abus devant les autorités compétentes.

Ce qui est paradoxal, c’est que ces taxistes refusent également de prendre les jeunes femmes qui sentent trop le parfum ou celles qui portent des robes courtes.

Ces taxistes sont également xénophobes et racistes. Ils refusent de prendre les étudiants noirs. Il suffit d’écouter un jour ces sous-hommes arrogants et incultes pour se rendre compte du degré de leur racisme et aversion pour les noirs.

Les taxistes daéchiens sont aussi politisés. Ils refusent généralement de prendre les Libyens parce qu’ils croient, du moins selon les dires d’un d’entre eux, que les Libyens réfugiés en Tunisie sont partisans de Kadhafi qui s’était forgé la réputation d’avoir combattu les salafistes en son temps.

Urgence de réformer un secteur infecté

Par-delà ces abus, il faut reconnaître que ces taxistes, qu’ils soient haram ou halal, posent un véritable problème. En l’absence d’un transport en commun fiable, la réforme du secteur des taxis est d’une extrême urgence. Cette réforme doit transcender le chétif article 56 du décret n°2554-98 réglementant les transports publics de personnes par voiture de taxi et comporter en priorité l’écartement, pur et simple, des taxistes bandits et “daéchiens”.