Audition publique de l’IVD sur la fraude des élections : Les témoignages des partis

Onze témoignages étaient programmés dans la soirée du vendredi 21 juillet 2017  dans le cadre des auditions publiques de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) dont la onzième séance a été consacrée à la fraude électorale.

Les cinq premiers témoignages ont focalisé sur les législatives de 1981 au cours desquelles il y a eu falsification du résultat du vote en faveur du parti socialiste destourien (PSD), le parti au pouvoir à l’époque.

Driss Guiga témoigne…

Driss Guiga, alors ministre de l’Intérieur, a évoqué dans son témoignage comment le président Habib Bourguiba et ses ministres se comportaient avec l’opposition durant les campagnes électorales et le rôle des gouverneurs dans le contrôle de leur déroulement et des activités de l’opposition, le but étant de dissuader les citoyens de participer à ces activités.

Le PSD et le MDS au coude-à-coude

Salem Maghroum, premier délégué dans le gouvernorat de Jendouba en 1981, a avoué, quant à lui, qu’il recevait des instructions pour attribuer un nombre de voix limité au Mouvement des démocrates sociales (MDS), très loin de la réalité. Il en garde les procès-verbaux, déposés aux Archives nationales après la révolution, assure-t-il.

Corroborant ce témoignage, Sihem Ben Sedrine affirme avoir eu accès à ces PV qui révèlent que le PSD avait obtenu 51% des voix et le MDS 48% des voix, alors que les résultats officiels ont attribué 95% des voix au parti au pouvoir.

Le rôle de Wassila dans la gestion des affaires du pays

Dans son témoignage, Mhadheb Rouissi, gouverneur de Tunis sous Bourguiba, a affirmé que le parti au pouvoir disposait de tous les moyens de l’Etat. Bourguiba refusait toute concurrence pour la prise du pouvoir, évoquant le rôle de son épouse Wassila Bourguiba dans la gestion des affaires du pays, des élections et des listes concurrentes au PSD.

Les milices du PSD

Mohamed Bennour (candidat dans la liste MDS durant les législatives de 1981) et Mohamed Béhi Ladgham (membre actif du mouvement) ont témoigné sur les pressions politiques exercées contre les militants du MDS durant la campagne électorale. Les obstacles rencontrés vont de l’interdiction des électeurs de s’inscrire sur les listes électorales, des agressions physiques contre les candidats jusqu’au harcèlement des observateurs des listes du MDS et aux violences et menaces de mort (contre Bennour) orchestrées par les “milices” du parti au pouvoir. D’autres actes d’intimidation durant les réunions du MDS sont cités: coupure de courant, jets de pierre, saccage de voitures, arrachage des affiches électorales sans intervention de la police. D’où la décision du président du MDS, Ahmed Mestiri de suspendre la campagne.

Le MTI et les élections de 1989

Mohamed Béchir Khedhri (Mouvement de la tendance islamique) et directeur de campagne de la liste indépendante Tunis1 a évoqué, quant à lui, les conditions dans lesquelles se sont déroulées les législatives de 1989, marquées, selon lui, par de nombreux dépassements qui ont été constatés par les observateurs de la liste et de ses candidats, composés en majorité par des juristes.

Jounaidi Abdeljaoued accuse…

Jounaidi Abdeljaoued (parti communiste tunisien-Ettajdid ultérieurement) a relaté les dépassements enregistrés lors de la participation de son parti à l’élection présidentielle et aux législatives en 1981, 1989, 2004 et 2009, évoquant les obstacles rencontrés par les membres des listes électorales de son parti ou de ses candidats à la présidence, Mohamed Ali Halouani, en 2004, et Ahmed Brahim, en 2009.

“La fraude électorale et la manipulation de la volonté des électeurs s’est poursuivie en Tunisie depuis 1956 jusqu’à 2009”, a-t-il soutenu.

Pressions sur le Rassemblement socialiste progressiste (RSP)

Mongi Ellouze, membre du bureau exécutif du Parti républicain (Al-Joumhouri), ex-Rassemblement socialiste progressiste (RSP) rebaptisé par la suite Parti démocrate progressiste (PDP) a parlé des pressions subies par son parti lors de sa participation aux élections de 1989. En 1994, des pressions ont été exercées pour faire tomber des listes électorales. De même, a témoigné Ellouze, sur 24 listes présentées par le parti aux législatives de 2004, 7 ont été annulées. Le cas s’est reproduit lors des élections de 2009, où des listes sont tombées pour des “raisons aléatoires”.

L’exclusion de Mustapha Ben Jaafar…

Pour le parti Ettakatol, Khalil Zaouia a indiqué que son parti s’est heurté aux multiples embûches posées par le pouvoir au cours des élections présidentielle et législatives de 2009. Sur 11 listes présentées par Ettakatol durant les législatives de 2009, 8 listes sont tombées. Ceci outre “l’exclusion” du chef du parti, Mustapha Ben Jaafar, de la course de la présidentielle.

Répartition de la carte politique pouvoir-opposition

Au cours de l’audition publique, un enregistrement audio du témoignage donné par le dernier secrétaire général du RCD dissous, Mohamed Ghariani (2008-2011), a été écouté. Il y est question “d’une coordination entre la présidence et le ministère de l’Intérieur, sans la participation du RCD, pour la répartition de la carte politique entre le parti au pouvoir et le reste des partis de l’opposition durant les élections de 2004 et 2009”.