Désormais, gouvernement et société civile, chacun dans le cadre de ses prérogatives, sont déterminés à lutter contre les surcoûts et les divers manquements générés par les retards qu’accusent l’exécution dans les délais et avec la qualité requise les projets d’infrastructure et d’équipement collectifs. L’ultime but étant de savoir, dorénavant, à quelle étape et dans quelles conditions de respect des normes, tel ou tel projet, annoncé par le gouvernement, est achevé.

Le ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire vient de se rendre compte que le retard qu’accuse la réalisation de certains projets d’infrastructure et d’équipements collectifs est dû, entre autres, au non-respect des clauses des contrats conclus par les entrepreneurs. Certains diront qu’il n’est jamais trop tard pour faire du bien.

Pour remédier cette situation coûteuse pour le contribuable, le département va prochainement entamer une campagne pour dissuader les manquements, notamment en matière du recrutement des ouvriers en nombre requis et de respect des règles de sécurité professionnelle.

Des chantiers surveillés par des caméras

Le contrôle se fera à distance par le biais de caméras relayées par des équipements électroniques (PC, mobiles…).

Espérons que ces caméras ne seront pas endommagées comme cela a été le cas au Port de Radès. A titre indicatif, dans certains pays d’Afrique subsaharienne, les inspecteurs chargés du suivi des grands travaux publics sont dotés de véhicules 4×4 qui leur permettent de se déplacer dans de bonnes conditions dans tout le pays.

Cette campagne ne touchera malheureusement que deux projets: la Cité de la culture à Tunis et l’hôpital régional de Sbeitla dans la région de Kasserine. Ce qui est trop modeste au regard de l’ampleur des dépassements constatés à travers tout le pays.

L’essentiel c’est d’assurer le suivi en amont

Par-delà cette bonne initiative qui demeure, somme toute, louable, nous rappelons au ministère de l’Equipement que le retard qu’accusent certains projets d’infrastructure n’est pas toujours dû à la tricherie et à la cupidité d’entrepreneurs véreux. Il est dû aussi, parfois, au mauvais choix, en amont, des entrepreneurs étrangers chargés de l’exécution de ces projets.

A défaut d’investigation sérieuse et professionnelle sur les capacités financières de ces entrepreneurs, de grands projets d’infrastructure sont actuellement bloqués ou suspendus, et ce depuis l’octroi des marchés, il y a deux ans et plus.

C’est le cas du tronçon autoroutier Médenine-Koutine (20 km). Confié, au commencement, à la multinationale espagnole Isolux Corsan depuis plus de deux ans, ce projet est de nouveau à la case de départ dans la mesure où le contrat établi entre cette firme et Tunisie Autoroutes vient d’être résilié.

Motif: les difficultés financières dans lesquelles l’entreprise espagnole se débat depuis deux ans. En plus clair, cette multinationale est déclarée en faillite.

En avril 2017, lsolux Corsan, en pleine crise de restructuration, tenta en vain de réclamer devant la justice espagnole quelques dernières rallonges auprès de ses créanciers mais aucun sursis ne lui a été accordé. Résultat : tous les contrats de la multinationale dans le monde entier ont presque tous été résiliés.

Cela pour dire que tout se décide, parfois, en amont, à travers l’effort à fournir pour garantir le bon choix de l’entrepreneur exécutant. Il s’agit, par conséquent, de conscientiser, avec fermeté et rigueur, les cadres responsables de la conclusion et de l’exécution des marchés publics de l’enjeu qu’il y a à maîtriser les différents procédés de conception et mesures de gestion des marchés publics d’infrastructure à travers le pari sur la qualité,  la maîtrise des coûts et le respect des délais.

A chaque étape, il importe, logiquement, de prévoir, en cas de retard, des sanctions dissuasives à la mesure des défaillances commises.

Dans cette même perspective, de gros efforts sont à déployer pour moraliser les bureaux d’études qui conçoivent les projets d’infrastructure. Pour l’instant, leur rendement est presque nul.  Pour preuve, dès que des intempéries surviennent, l’infrastructure routière est fragilisée à l’extrême. A l’origine, il y aurait de faux calculs et une mauvaise conception du projet.

Au regard de l’ampleur des dégâts occasionnés, chaque fois, aux infrastructures par les précipitations, nous ne pouvons pas nous interdire de penser que ces bureaux d’études ne connaissent pas le climat du pays, et ce pour une raison très simple: les ouvrages qu’ils conçoivent pour un pays comme la Tunisie au climat semi-aride chaud sont en principe destinés à un pays d’extrême sécheresse. Ils présentent le désavantage d’être plus des “constructions légères” que des ouvrages d’art tant elles sont peu solides et ne résistent pas aux aléas climatiques, particulièrement aux inondations et aux orages.

Tout récemment, Mohamed Salah Arfaoui, le ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, a évoqué des dépassements et une vingtaine de cas de présomption de corruption et de malversation dans ce domaine.

Compter sur l’apport de la société civile

Pour mener ce grand chantier de suivi des travaux, le ministère de l’Equipement peut compter, par ailleurs, sur la société civile. L’Association tunisienne des contrôleurs publics (ATCP) vient de mettre en ligne une plateforme de suivi des projets publics en Tunisie.

On y trouve au total 203 projets, dont le coût est estimé à plus de 1,1 milliard de dinars. Ces projets concernent l’éducation, l’enseignement supérieur, les infrastructures routières ou encore sanitaires, à travers plusieurs gouvernorats (Ariana, Béja, Ben Arous, Jendouba, Kairouan, Kébili, Le Kef, La Manouba, Sfax, Sidi Bouzid, Sousse, Tunis et Zaghouan).

Compte tenu de la justesse de la cause, nous pensons que main dans la main, le ministère de l’Equipement et l’ATCP peuvent coopérer et s’entraider pour prévenir les éventuels retards dans l’exécution des projets d’infrastructure publics, et ce au grand bonheur des contribuables et de l’Etat. C’est un honneur pour la Tunisie que l’administration et la société civile travaillent sur un même projet pour atteindre des objectifs nobles.