L’écosystème Carthage Business Angels – Wiki Start Up continue à progresser et à faire progresser la dynamique entrepreneuriale en Tunisie. Alignant toute une batterie d’initiatives «made in Tunisia» d’Idéation comme www.MoVility.org, d’Incubation comme www.Univenture.org, et d’accélération comme www.StartAct.tn, cet écosystème a impulsé depuis 2011 la création d’un deals flow de haute facture, qui commence à faire des émules. Le mastermind de ces programmes n’est autre que Mondher Khanfir qui a su attirer avec lui des entrepreneurs de renommée pour «rendre l’esprit start-up contagieux», dira-t-il.

Avec l’achèvement de la 4ème édition du programme Univenture, et l’ouverture sur les Startups africaines, une nouvelle dimension est atteinte. Grand zoom sur cet achèvement.

 WMC : L’innovation reste un concept assez abstrait. Comment le définir dans sa multi-dimensionnalité ?

Mondher Khanfir : Comme tout concept complexe, il est difficile de le définir d’une manière précise. Mais on peut aborder l’innovation sous l’angle «à quoi ça sert» plutôt que de chercher à expliquer «c’est quoi». Je dirais, pour faire court, que l’innovation sert à pousser plus loin le champ du possible d’une industrie. Que ce soit pour couvrir un besoin existant ou latent, et qu’elle doit nécessairement s’accompagner de progrès humain.

Appliquée à l’entrepreneuriat, cette définition pourrait se traduire par la construction d’une chaîne de valeur de création de startups. Toute une industrie que nous cherchons chez Wiki Start Up à mettre en place patiemment et minutieusement depuis quelques années.

On a l’habitude de lier l’innovation à la start-up, en occultant notamment la spin-off. La réalité est plus complexe, n’est-ce pas?

Il y a deux manières de créer une entreprise. Soit d’une manière ex nihilo, à partir d’une idée de projet portée par un ou plusieurs promoteurs. Il n’y a pas nécessairement d’innovation dans ce cas, mais on peut parler de start-up s’il y a une structuration du projet autour de plusieurs étapes de levée de fonds. Soit une création par essaimage, lorsqu’une entreprise existante génère une jeune pousse et lui garantit son soutien pour prendre son élan. On parle dans ce cas de Spin-off.

«Quand il y a un chercheur ou un travail de recherche qui est associé à la création de la spin-off, l’innovation est de fait dans le code ADN de la jeune pousse»

Quand il y a un chercheur ou un travail de recherche qui est associé à la création de la spin-off, l’innovation est de fait dans le code ADN de la jeune pousse. On parlera dans ce cas d’essaimage scientifique ou de Research Based Spin-Off.

Nous avons été les premiers à attirer l’attention sur le potentiel de l’essaimage scientifique comme vecteur de transfert de technologies et d’innovation en Tunisie. Le programme Univenture est l’illustration de cette conviction.

L’innovation, c’est le linkage entre le savoir et l’entreprise. Comment activer les technoparks et diversifier les incubateurs tel wiki start up.

L’innovation relève d’un processus de valorisation de connaissances dans un modèle économique viable et réplicable. L’accompagnement des start-ups innovantes nécessite un large éventail d’expertise et de ressources, comme la protection de la propriété intellectuelle ou le transfert de technologies, et qui font défaut aujourd’hui dans les technoparks.

Les politiques publiques et les budgets en matière d’innovation sont, hélas!, loin du compte en Tunisie. Les initiatives privées, telle que Wiki Start Up, sont là pour expérimenter de nouvelles approches, et le cas échéant, partager les meilleures pratiques avec le secteur public, et influencer les politiques publiques en la matière.

L’environnement des affaires est généralement perçu comme hostile à l’innovation. Faut-il aller vers un code unifié de l’innovation? Le “Start up act“ peut-il pallier à cette situation?

Il faut savoir que l’environnement des affaires est marqué par notre rapport avec le risque. En Tunisie, nous sommes marqués par une culture de l’aversion du risque, qui empêche l’innovation locale, alors qu’on se complait à acquérir les technologies des autres. Ceci fait perdre à la Nation des opportunités et des occasions de développer une industrie innovante locale. La Tunisie investit plusieurs milliards de dinars dans les marchés publics, qui peuvent être un levier pour favoriser l’essor de start-ups tunisiennes. Imposer un taux minimum d’exploitation des résultats de recherche «made in Tunisia» serait la clef de voûte d’un système national d’innovation performant.

«La Tunisie investit plusieurs milliards de dinars dans les marchés publics, qui peuvent être un levier pour favoriser l’essor de start-ups tunisiennes»

Concernant le «Start up Act», il s’agit plus d’un manifeste en faveur de la Start-up qu’un projet de loi. Les articles qu’il contient serviront tôt ou tard à réformer le cadre juridique des sociétés commerciales, de la fiscalité, du code de change, etc. Il manque toutefois la vision qui doit être portée par ce manifeste. Nous avons initié lors du dernier Forum de la Finance Alternative, événement phare de Carthage Business Angels, un grand projet baptisé Tunisia500, et que nous testons actuellement dans sa phase pilote. Cette initiative pourrait cristalliser une vision et une dynamique tant attendues pour asseoir une économie basée sur les connaissances, conditions sine qua none de l’essor des Start-ups technologiques. J’y reviendrais en temps opportun.

«L’innovation c’est comme le loto. 100% de ceux qui ont gagné ont joué»

Pour s’exprimer comme un pêcheur à la ligne, l’innovation en Tunisie est-ce que ça mord?

L’innovation c’est comme le loto. 100% de ceux qui ont gagné ont joué. Il y a un côté «pari» qui n’est pas donné à tout le monde de le prendre. Généralement, ceux qui entreprennent dans l’innovation ont des raisons de le faire qui dépassent la simple envie de réussir. Il y a un côté «militantisme» et une ambition très sincère d’impacter l’écosystème chez les entrepreneurs tunisiens, et qui resteront pour moi une source d’inspiration infinie, en cette période incertaine et tumultueuse.

Propos recueillis par Ali Abdessalam