L’éternelle citation de l’historien grec Thucydide, “l’Histoire est un perpétuel recommencement” est toujours, hélas, d’actualité. La preuve? Il y a deux ans, plus exactement au mois de ramadan 2015 qui coïncidait avec le mois de juin, la police tunisienne, constamment inefficace, avait intensifié le harcèlement des non-jeûneurs et forcé les cafés à fermer.

Pour ne citer qu’un seul cas. Tous les Tunisiens se rappellent de cette vidéo montrant une serveuse d’un café à Monastir en train de se faire agresser par un policier, qui n’est autre que le chef de police de cette ville touristique. Motif: ne pas s’être conformée au jeûne du mois saint de Ramadan. C’était le 25 juin 2015.

Une journée après, c’est-à-dire le 26 juin 2015, le terroriste daechien, Seifeddine Rezgui, assassine, de sang-froid, à la Kalachnikov et à la grenade, 39 touristes et fait autant de blessés, et ce à une vingtaine de km de Monastir, à l’hôtel Imperial Marhaba, situé à la station balnéaire de Port El-Kantaoui près de Sousse. Un véritable carnage digne du moyen-âge.

L’enseignement à tirer ici est que la police, qui devait se fixer comme priorité la chasse aux terroristes et concentrer le plus net de son énergie à recueillir les renseignements sur les mouvements des personnes louches, était occupée à harceler des non jeûneurs inoffensifs, pourtant couverts par l’article 6 de la Constitution qui consacre la liberté de conscience en Tunisie.

D’ailleurs, le juge Nicholas Loraine-Smith, qui a rendu, le 28 février 2017, son verdict, dans l’affaire de l’attentat de Sousse dont la justice britannique a été saisie par les familles des victimes, n’a pas manqué de qualifier la réaction de la police tunisienne, lors de l’attentat, de «au mieux chaotique, au pire lâche».

Le même scénario se répète deux ans après

Deux ans après l’attentat de Sousse et ses conséquences désastreuses sur le tourisme par l’effet du mauvais rendement, entre autres, des forces de sécurité, le scénario s’est répété ces jours-ci, c’est-à-dire en juin 2017.

Tous les Tunisiens, l’ensemble des médias du pays peuvent en témoigner, ont constaté, dès les premiers jours de Ramdhan 2017, le déclenchement d’une campagne fort agressive contre les non-jeûneurs. Imams dans les mosquées, magistrats convertis en prédicateurs, police religieuse, se sont employés à harceler les non jeûneurs.

Point d’orgue de cette campagne, la tolérance et la liberté avec laquelle un charlatan comme ce salafiste Adel Almi qui, accompagné par un huissier notaire impliqué dans l’agression perpétrée en 2012 contre les artistes du palais Abdellia à La Marsa, photographiait, dans l’impunité totale, les non jeûneurs.

Résultats de cette campagne: la condamnation, le soir du jeudi 1er juin 2017, à Bizerte, sur la base de l’article 226 du code pénal, à un mois de prison de 4 jeunes pour avoir mangé et fumé une cigarette dans un jardin public.

A signaler également le placement en garde à vue, vendredi 2 juin 2017, à Sfax, de deux jeunes artistes, Houssem El Abed et Rihab Ghars, suspectés d’avoir bu de la bière. Une bouteille de bière vide aurait été trouvée en leur possession…

Le même jour, vendredi 2 juin 2017, où ce harcèlement commence à prendre une dimension intolérable, et au moment même où la police s’acharnait à importuner les non jeûneurs, partout dans le pays des terroristes locataires du mont Mghilla à Ain Soltania (gouvernorat Sidi Bouzid) kidnappaient et assassinaient le berger Khelifa Soltani, frère de Mabrouk Soltani décapité par le même groupe terroriste en novembre 2015.

Moralité: le scénario de juin 2015 et de juin 2017, c’est du copier/coller. Au commencement, un acharnement de la police à harceler les non jeûneurs, suivi tout de suite par un acte terroriste. Les terroristes profitant du vide sécuritaire manœuvrent, désormais, en terrain conquis.

Plaidoyer pour la promulgation d’une loi adaptée à la nouvelle Constitution

Pour mettre fin à cette farce dramatique, les observateurs de cette problématique du mois de Ramadan et aux abus policiers signalés au cours de cette période estiment qu’il est d’adapter la loi régissant le mois de Ramadhan à l’article 6 de la Constitution.

Pour mémoire, un décret des années 80 au temps du premier ministre Mohamed M’Zali avait institué des mesures spécifiques pour le mois de Ramadhan.

Selon ces mesures, un cafetier qui n’est pas dans une zone touristique ou commerciale s’expose à un contrôle de police et à une obligation de fermeture, mais ne sera pas poursuivi pénalement.

Conséquence : Il n’y a aucune base légale qui oblige un café ou restaurant à demander l’autorisation de rester ouvert pendant le ramadan: c’est la liberté de chacun garantie par la Constitution. Pourtant dans les faits, les contrôles sont réguliers, notamment dans les zones jugées non-touristiques.

C’est d’autant plus inquiétant de voir qu’en 2017, ce sont des policiers, des charlatans, des imams, des magistrats qui s’y mettent de façon souvent brutale et violente. Ces derniers se sont arrogés le droit de se convertir, à la faveur de ces mesures, en “inquisiteurs” et “policiers religieux“. Il est possible que ce soient des actes individuels et zélés. Mais en l’absence de révision de textes flous des années 80 et du refus des autorités de condamner de manière ferme les prédications incendiaires et scissionnistes des imams et des agissements des charlatans comme Adel Almi, nous ne pouvons pas nous interdire de voir dans ce laxisme des autorités une tendance des institutions de l’Etat (justice, police, ministère de l’Intérieur …) à consacrer dans les faits et spécifiquement, au mois de Ramdhan, la Chariaa.

L’ultime objectif de ce beau monde zélé est de plaire au parti dominant Ennahdha, de courtiser son électorat conservateur et de préserver les privilèges des postes qu’ils occupent.

Interpellé, le 2 juin 2017, par radio Shems FM sur cette problématique de l’impunité des harceleurs de non-jeûneurs (charlatans et autres…), le ministre de l’Intérieur, Hédi Majdoub, a déclaré en substance qu’aucune poursuite n’a été engagée contre les personnes menant une campagne pour dénoncer ceux qui ne font pas le Ramadan”.

Le ministre devait commenter, par la même occasion, les récentes arrestations des personnes soupçonnées de manger en public durant la journée en disant en substance: «Il y a un minimum de respect que ce soit de la part des personnes qui jeûnent ou de celles qui ne jeûnent pas». Sans commentaire.

Malheureusement, ce laxisme a un prix fort. Il est judicieusement exploité par les terroristes pour commettre des atrocités traumatisantes pour une population complètement abattue.

A méditer.