Théoriquement, la Banque Centrale peut contribuer à stimuler l’économie via son taux d’intérêt. Mais ce moyen est sans grand effet dans une économie dont une grande partie est informelle et échappe de ce fait au système monétaire, c’est-à-dire une économie comme la nôtre.

Après l’attaque terroriste de Sousse, le secteur du tourisme a été particulièrement touché par une crise. En réalité, le tourisme était loin d’être l’unique secteur affecté. Les autorités ont choisi de soutenir les hôteliers par des aides financières directes. Or, ces aides sont de nature à augmenter le déficit budgétaire. Pourtant, il existe une solution beaucoup plus efficace et qui ne coûte rien au gouvernement. Il aurait suffi que la Banque Centrale achète les dettes des hôtels qui sont les plus en difficulté.

D’ailleurs, la Banque Centrale aurait pu créer un programme d’aide aux entreprises qui sont les plus en difficulté et pas seulement celles du secteur du tourisme. En achetant les dettes de ces entreprises, la Banque Centrale leur permet d’être opérationnelles et productives à nouveau. Idéalement, ce programme d’achat devrait toucher en priorité les entreprises exportatrices.

Comment la Banque Centrale peut-elle acheter ces dettes ? Il lui suffit de créer de la monnaie électronique, c’est-à-dire sans impression de nouveaux billets. Cette politique s’appelle tout simplement de l’Assouplissement Quantitatif (Quantitative Easing ou QE en anglais). C’est ce que font les plus grandes Banques Centrales depuis que leurs pays connaissent la crise.

La Banque du Japon, la Réserve Fédérale des Etats-Unis, la Banque Centrale Européenne et la Banque d’Angleterre ont toutes eu recours au QE. Cette politique monétaire est souvent destinée à racheter des dettes publiques, mais elle peut être étendue aux dettes des entreprises privées. C’est le cas par exemple avec le Programme d’Achat du Secteur Privé (Corporate Sector Purchase Programme) de la BCE ou le Programme d’Achat d’Obligations d’Entreprises (CorporateBond Purchase Scheme) de la Banque d’Angleterre.

Ceux qui voudront critiquer cette technique, rien que pour apporter la contradiction, diront que le QE doit être employé lorsque le taux d’intérêt est proche de zéro. Si notre pays n’avait pas une économie informelle très importante, alors ils auraient raison, en l’absence d’un secteur informel, on peut penser que le taux d’intérêt est un outil susceptible de stimuler l’économie. Autrement dit, on ne fait usage du QE que lorsqu’on a épuisé les capacités stimulatrices du taux d’intérêt.

Notons enfin que le QE pourrait avoir deux effets négatifs, s’il est employé de manière très intensive, c’est- à -dire avec une très forte création monétaire. Le premier est qu’il peut aggraver l’inflation, le second est qu’il pourrait provoquer une dépréciation du dinar. C’est pour ces raisons qu’il faut l’employer avec des critères rigoureux pour l’éligibilité des dettes concernées. A titre d’exemple, la Banque d’Angleterre exige que la dette à racheter soit celle des « entreprises qui apportent une contribution importante à l’activité économique». Pour le cas de l’économie tunisienne, les entreprises exportatrices et les entreprises à forte capacité d’embauche devraient avoir la priorité.

Par Montacer Ben Cheikh
Maître de conférences des universités