Tunisie : Le gouvernement Chahed sous le baromètre des partis politiques

Après huit mois d’exercice, le gouvernement de Youssef Chahed ne fait toujours pas l’unanimité. Partagés au sujet de son rendement, les partis politiques réclament un changement pour lui donner un nouveau souffle. Un camp propose un remaniement, alors qu’un autre se penche pour un nouveau cabinet.

Selon Borhène Bsaïes, chargé des Affaires politiques et porte-parole du Mouvement Nidaa Tounes, “un remaniement ministériel devient inévitable pour conférer un nouveau souffle au travail du gouvernement et mieux l’adapter à la situation socio-économique et à la réalité politique dans le pays”.

Confiant dans les capacités de Youssef Chahed, le Mouvement Ennahdha estime judicieux de laisser Chahed choisir son équipe et élaborer une perception claire du travail de son gouvernement, a déclaré Ajmi Lourimi, membre du bureau politique du parti. “Nous devons maintenir la confiance à Youssef Chahed, mais parallèlement nous devons évaluer le rendement de son gouvernement et envisager, le cas échéant, des changements en concertation avec toutes les parties”, a-t-il dit.

Selon lui, “le gouvernement en place a besoin d’une vision plus claire particulièrement en ce qui concerne les grandes réformes et les prochaines échéances politiques”.

“Formé sur la base de la politique des quotas partisans, le gouvernement de Youssef Chahed ne peut pas continuer. Il a été condamné à l’échec avant même qu’il n’entre en exercice”, a affirmé Zied Lakhdhar, membre du Conseil des secrétaires du Front populaire (FP). “Le critère de la compétence n’a pas été pris en considération lors de la formation de ce gouvernement”, a-t-il regretté.

Pour lui, le limogeage du ministre de l’Education et de la ministre des Finances reflète le vacillement du gouvernement de Chahed qui n’est plus capable de maîtriser les rouages de l’Etat. “Composée principalement d’Ennahdha et de Nidaa Tounes, la coalition se trouve à la fois au pouvoir et dans l’opposition, une forme de schizophrénie qui a contribué à la déstabilisation du gouvernement Chahed”, a-t-il encore expliqué.

Mohamed Troudi, membre du bureau politique du Mouvement Machrou Tounes, abonde dans le même sens et souligne que “la situation inconfortable dans laquelle se trouve le gouvernement est le reflet de la situation de la coalition au pouvoir formée sur la base de la politique des quotas partisans”. Et d’ajouter: “l’adoption de la politique des quotas partisans dans la formation du gouvernement a empêché les composantes de la coalition à trouver des solutions pragmatiques pour débloquer la situation”, a-t-il estimé.

“Tantôt au pouvoir, tantôt dans l’opposition, la coalition souffre d’un dysfonctionnement moral et politique”, déplore Troudi qui dénonce l’irresponsabilité du gouvernement face aux récents mouvements de protestation.

“Le Mouvement Machrou Tounes souhaite la formation d’un gouvernement de compétences nationales apolitiques à l’abri des tiraillements politiques”, a-t-il souligné.

Sous la conduite de Youssef Chahed, le gouvernement d’union nationale est entré en exercice le 29 août 2016, rappelons-le. Après moins de deux mois d’exercice, Youssef Chahed a limogé le ministre des Affaires religieuses, Abdeljalil Salem, pour non-conformité aux règlements du travail gouvernemental.

Youssef Chahed a également décidé, le 25 février 2017, d’opérer un remaniement ministériel, en vertu duquel Ahmed Adhoum a été nommé ministre des Affaires religieuses, Khalil Ghariani, ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, et Abdellatif Hamam, secrétaire d’Etat au Commerce. Mais Khalil Ghariani, qui est venu remplacer Abid Briki (proche de l’Union générale tunisienne du travail) à la tête du département de la Fonction publique, avait décliné le poste.

Puis, le 2 mars 2017, le chef du gouvernement avait purement et simplement décidé la suppression du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance et son rattachement au département à la présidence du gouvernement.

Enfin, à la veille de la fête du travail, c’est-à-dire le 30 avril 2017, Chahed a limogé les ministres de l’Education, Néji Jalloul, et des Finances, Lamia Zribi, pour confier leur intérim respectivement à Slim Khalbous -ministre de l’Enseignement supérieur- et Fadhel Abdelkafi -ministre du du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale.