Le chef de l’Etat doit dire halte à la centrale ouvrière qui a dépassé toutes les bornes dans l’affaire du ministre de l’Education, qui a osé adresser au chef du gouvernement un ultimatum l’appelant à limoger Néji Jalloul avant le 15 avril 2017.

Ce n’est pas moi qui décide, puisque la Constitution ne m’en donne pas le pouvoir. C’est l’antienne que ressort le président Béji Caïd Essebsi à chaque fois qu’on l’appelle à réagir à un dossier compliqué. Comme l’est la bataille en cours entre l’Etat et l’UGTT et dont l’enjeu immédiat et ponctuel est le sort de Néji Jalloul, ministre de l’Education, et plus généralement la délimitation du périmètre –autorisé et accepté- de la centrale ouvrière dans les affaires du pays.

Le discours du chef de l’Etat axé sur la thèse d’une impuissance subie relève de la fiction parce que tout le monde sait que le locataire du Palais de Carthage a, par petites touches et bien avant sa prise de fonction, repoussé très loin les limites de ses prérogatives, pour ne pas dire, comme le pensent et l’affirment de plus en plus de Tunisiens, qu’il a outrepassé les limites que lui trace la Constitution.

D’ailleurs, lorsqu’on lui dit que certains, notamment dans l’opposition, ne lui reconnaissent pas le titre de chef de gouvernement et voient plutôt en lui un «Premier ministre», Youssef Chahed admet cette réalité du bout des lèvres et déclare qu’il consulte le président de la République et écoute ses conseils. D’autres diront qu’il reçoit des ordres et les applique.

Parce qu’une partie de la classe politique et des médias le soutient à fond et sans nuance –ni critique-, BCE est maintenu hors du champ des projecteurs dans le bras de fer entre le gouvernement et l’UGTT, puisque ceux-ci sont braqués sur Youssef Chahed.

Donc, les choses étant ce qu’elles sont, le président Caïd Essebsi ne peut pas laisser le locataire de La Kasbah seul face au «grand méchant loup» qu’est l’UGTT. D’autant que l’enjeu n’est pas le sort du ministre de l’Education, ni celui du chef du gouvernement, mais bien la crédibilité de l’Etat, donc sa capacité à pouvoir –ou pas- administrer les choses de la cité certes en écoutant les différents acteurs politiques et sociaux, mais subir leur dictat.

Bref, le chef de l’Etat doit dire halte à la centrale ouvrière qui a dépassé toutes les bornes dans l’affaire du ministre de l’Education, en allant jusqu’à adresser au chef du gouvernement un ultimatum l’appelant à limoger Néji Jalloul avant le 15 avril 2017, date au-delà de laquelle le bureau exécutif de l’UGTT se réserve le droit de réagir comme il l’entend s’il n’obtenait pas la tête de ce dernier.

Rappelons que l’UGTT a déjà fait tomber Slim Chaker et Saïd Aïdi, respectivement anciens ministres des Finances et de la Santé.

Mais le chef de l’Etat voudra-t-il contrer la centrale ouvrière? Si la défense des intérêts de l’Etat et plus généralement ceux du pays lui tiennent réellement à cœur, il ne devrait pas commettre l’énorme bêtise d’éjecter le ministre de l’Education du gouvernement et laisser ainsi humilier, de nouveau, l’Etat.