Politique : Doit-on aller vers des élections générales anticipées?

Au regard de la crise multiforme que connaît le pays et de l’ampleur des protestations sociales non-encadrées dans l’arrière-pays, plusieurs indices montrent une dégradation de la situation sociopolitique, surtout après le dernier accord avec le FMI et les conditionnalités posées par ce dernier, s’agissant notamment de l’acceptation de la dévaluation du dinar et de l’accroissement des échanges extérieurs.

Les corollaires de ces deux conditionnalités seront éprouvants pour les Tunisiens: exacerbation de l’appauvrissement de toutes les couches sociales et risque de fermeture de milliers d’entreprises en raison de l’inondation du marché intérieur par des produits étrangers.

Cette éventuelle dégradation peut mener, comme le pensent certains, à l’amplification des revendications et à la convocation par anticipation d’élections générales.

Echec du consensus politique entre Nidaa Tounès et Ennahdha

C’est de toute évidence une grave crise qui vient consacrer l’échec du fameux consensus politique et de l’alliance entre Nidaa Tounès et Ennahdha.

Certains observateurs sont persuadés que ces partis se partagent le pays comme un butin. Le premier ne pense qu’à blanchir des hommes d’affaires corrompus (loi sur la réconciliations économique et financière), tandis que le second, de loin plus maléfique, œuvre sur le long terme et travaille sur l’encadrement des jeunes générations à travers l’adoption de lois consacrant l’identité arabo-islamique du pays en prévision de la mise en place de son projet de société “daechienne” à terme (cas de la loi sur les jardins et crèches d’enfants).

Lire aussi : Tunisie : La «dé-benalisation» et la réconciliation économique et nationale ne sont pas un choix mais une nécessité

Le parti du gourou Rached Ghannouchi a en plus cet avantage de s’adonner à l’exercice périlleux du grand écart: un pied dans le pouvoir et un pied dans l’opposition.

Pour preuve: Ennahdha, qui compte dans la région de Tataouine trois députés sur un total de quatre, serait, d’après des observateurs, à l’origine du déclenchement des mouvements sociaux dans cette région.

Youssef Chahed poursuit la politique d’échec de ses prédécesseurs

Cette crise vient également illustrer l’immobilisme et l’incapacité du gouvernement de Youssef Chahed (le 8ème depuis six ans) de prendre des actions audacieuses en faveur des chômeurs et des régions de l’arrière-pays.

Sa récente parution en public (interview à plusieurs médias) a été un échec. Il n’a pas convaincu beaucoup de monde.

Lire aussi : Politique : Youssef Chahed joue son va-tout

Il poursuit la politique de l’échec de ces prédécesseurs. Toutes les initiatives développementales (plan de développement 2016-2020, nouvelle loi sur l’investissement et autres…) sont prises en faveur des populations nanties du littoral: cas des lois sur le premier logement et sur l’emploi. Ces textes sont conçus à la mesure des villes et régions où il existe un dense tissu urbain et industriel. Les régions à prédominance rurale et agricole en sont exclues.

Lire aussi : Fadhel Abdelkéfi : Faire de la loi de l’Investissement un accélérateur de la croissance dans les régions

Est-il besoin de rappeler ici que beaucoup de ministres du gouvernement Chahed ne croient pas à la discrimination positive mentionnée pourtant dans la Constitution et tiennent un discours réducteur vis-à-vis de l’arrière-pays.

L’exécutif déconnecté des préoccupations du pays

Cela pour dire que l’exécutif avec ces trois têtes (BCE, Chahed et Ghannouchi) est déconnecté complètement des préoccupations des Tunisiens de l’intérieur du pays. Sinon, comment explique qu’au même moment où ces derniers descendent dans les rues pour revendiquer, à gorge déployée, eau potable, électrification, aménagement de pistes et autres améliorations des conditions de vie (meilleurs équipements collectifs et meilleurs moyens de locomotion et de mobilité…), l’équipe Youssef Chahed fasse la sourde oreille et concentre tous ses efforts à faire passer des lois scélérates (loi sur la réconciliation financière et économique et le code de l’énergie) et à traîner du pied face à la corruption qui gangrène le pays.

Aujourd’hui, il semble que le message des indignés et des insurgés du sud et de l’ouest du pays soit des plus clairs. Ils ne veulent plus marcher sur leur tête. Ils ne veulent plus être gouvernés comme avant. Ils ne veulent plus être bernés par des professions de foi. Ils n’ont rien récolté des treize plans de développement engagés depuis l’indépendance.

Apparemment, ils sont déterminés, cette fois-ci, à faire entendre leur voix. C’est dans cet esprit qu’il faudrait peut-être comprendre l’ultimatum d’une semaine donné par les révoltés de Tataouine au gouvernement pour qu’il leur trouve des solutions plus crédibles et d’oublier les mesurettes et réformettes annoncées lesquelles ne génèrent, selon eux, que des emplois précaires et provisoires.

Au final, tous les ferments sont là pour annoncer, à court terme, le pire. Tout indique que le mois de Ramadhan et la période estivale, périodes de consommation de pointe et de détérioration du pouvoir d’achat, seront très chauds pour le pouvoir en place.