Les textes d’application de la loi n° 2016-53 du 11 juillet 2016, portant expropriation pour cause d’utilité publique, ont été publiés par le Journal officiel de la République tunisienne (JORT du 28 février 2017). Il s’agit manifestement d’une avancée majeure qui va permettre au gouvernement de poursuivre la réalisation de projets publics suspendus à cause de problèmes fonciers.

Ces textes fixent les principes, règles et procédures administratives et judiciaires en matière d’expropriation des immeubles pour réaliser des projets ou pour exécuter des programmes ayant un caractère d’utilité publique.

L’expropriation est prononcée moyennant une indemnité fixée à l’amiable ou par voie judiciaire. La prise de possession des immeubles expropriés peut se faire après consignation ou paiement d’une indemnité provisoire selon le cas.

En plus clair encore: l’expropriation est prononcée à titre exceptionnel et moyennant une compensation équitable avec les garanties requises.

Avec cette nouvelle loi, l’Etat aura plus de facilité pour exproprier des biens fonciers et réaliser des projets publics: infrastructure de transport (autoroutes, chemins de fer…) et équipements collectifs (hôpitaux, universités, lycées…).

Est-il besoin de rappeler que depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, quelque 156 projets publics en cours de réalisation ont été suspendus suite à des jugements donnant raison aux propriétaires de terrains sur lesquels sont programmés des projets publics. Le coût global de ces projets, dont certains sont réalisés au fort taux de 90%, est estimé à 20 milliards de dinars (deux tiers du budget général de l’Etat). Ce qui est énorme.

Premier résultat, déblocage du différend foncier de Meknassi

Pure coïncidence ou premier résultat heureux de la parution de ces textes d’application, la résolution du délicat différend foncier qui opposait, depuis plus de six ans, dans la délégation de Meknassi (centre-ouest de Tunisie), des propriétaires de terrains et la Compagnie de phosphate de Gafsa, détentrice d’un permis pour l’exploitation d’un gisement de phosphate dans cette zone.

Effectivement, vingt-quatre jours après la parution des textes, Hela Cheikhrouhou, ministre de l’Energie, des Mines et des Énergies renouvelables, annonce, au grand bonheur des jeunes sans emploi qui attendent impatiemment ce projet, que la CPG a acquis ou exproprié 80% des terres de la mine du phosphate de Meknassi

Un accord a été conclu, vendredi 24 mars 2017, à Sidi Bouzid, entre les propriétaires des terres sur lesquelles sera ouverte la mine de phosphate à Meknassi et les représentants du gouvernement.

La ministre a déclaré à cette occasion que cet accord permettra de résoudre “les problématiques ayant entravé la mise en œuvre de ce projet, formant l’espoir de signer, au plus tard dans deux mois, des accords similaires avec les propriétaires des terrains restants (20%)”.

Un mot sur le profil des propriétaires des terres sur ce site phosphatier, objet du litige. Ils ont déclaré aux médias qu’”ils ne disposent pas certes de titre de propriété mais qu’ils exploitent ces terres depuis 137 ans”.

Abstraction faite de ces éléments d’information que chacun peut interpréter à sa guise, il faut reconnaître que l’ouverture de ce gisement constitue une excellente nouvelle pour les habitants de Meknassi qui ont été usés par les sit-in et mouvements sociaux.

Ils vont enfin souffler et bénéficier d’un bon projet non seulement en matière de création d’emplois mais aussi, par son effet multiplicateur, d’une dynamisation imminente de toutes les activités dans cette délégation.

Selon l’étude de faisabilité technico économique de ce projet, ce gisement va employer à terme 400 personnes. Il produira 75 tonnes de phosphate de bonne qualité par heure et 600.000 tonnes par an, et ce sur une période 25 ans. L’investissement engagé par la CPG est estimé à plus de 100 MDT.

Espérons que ces textes d’application de la loi portant expropriation en faveur de l’Etat pour cause d’utilité publique, contribueront à résoudre d’autres différends fonciers, particulièrement celui qui entrave la poursuite du tronçon autoroutier Gabès-Médenine.

A bon entendeur.