« FMI/Tunisie. Cela vient de tomber comme un verdict», publie Radhi Meddeb, administrateur de sociétés Comète Engineering, administrateur de la Banque tuniso-koweïtienne, président d’IPEMED et président d’ADS sur sa page officielle.

Les conclusions qu’il a tirées du communiqué de la mission du Fonds monétaire qui vient d’achever sa revue de programme en Tunisie et a autorisé le déboursement de la deuxième partie du prêt accordé à la Tunisie sont les suivantes :

– seule la deuxième tranche sera probablement tirée en mai, de l’ordre de 308 millions de dollars, loin des deuxième et troisième tranches espérées par les autorités tunisiennes pour un total de 700 millions$;

– ce que nous pouvons lire entre les lignes est que le dinar est surévalué et qu’une dévaluation ou une accélération de sa glissade devraient intervenir sur les prochaines semaines;

– le taux d’intérêt sera relevé sur le court terme et l’accès au crédit resserré;

– les prix des carburants devraient augmenter pour diminuer le poids des subventions, mais aussi mieux traduire le glissement du dinar par rapport au dollar;

– une réforme globale des retraites devrait intervenir sur les prochains mois.
Tout cela réduira peut-être le fardeau sur les finances publiques, mais risque d’être douloureux en l’absence d’une vision globale et d’une approche stratégique de relance dans l’inclusion et la reconstruction de notre tissu économique sur la base d’une compétitivité retrouvée».

Radhi Meddeb a peut-être bien résumé la situation sauf qu’il oublie qu’il a été l’un des artisans de Tunisia 2020, et à ce titre, la vision globale et l’approche stratégiques auraient dû être ses œuvres ou les auraient-ils proposées dans ce cadre et le gouvernement les auraient réfutées ?

Paradoxalement, pour le gouvernement, l’accord du déblocage de la deuxième tranche du prêt accordé par le FMI à la Tunisie se traduira sur terrain par le financement des grands projets d’investissement par les bailleurs de fonds internationaux tels la Banque mondiale, la BAD et la BEI ainsi que l’apport d’un appui budgétaire. Un appui budgétaire qui permettra au ministère des Finances de boucler son schéma de financement pour 2017 et de libérer les ressources du système bancaire tunisien qui serviront désormais à financer le tissu économique. Cela permettre également de réduire le recourt aux emprunts sur le marché local en bon de trésor assimilables (BTA).

La décision du FMI serait également, d’après les officiels à la Kasbah, annonciatrice du retour de la confiance des marchés internationaux s’agissant de la soutenabilité de la dette extérieures tunisienne et donc la possibilité de se financer sur les capitaux et de consolider les réserves en devises au niveau de la banque.

Entre ces deux interprétations de la décision du FMI, il y aurait une autre explication, la pression américaine sur le FMI pour qu’il rende le « verdict de déblocage » puisque M.Meddeb a bien voulu baptiser ainsi la décision du Fonds monétaire international.

Selon certains observateurs, l’ambassadeur américain en Tunisie aurait reçu nombre de visites de la part d’officiels Tunisiens ces dernières semaines pour solliciter l’appui US auprès du FMI. Ces derniers auraient promis en échange une accélération des réformes socioéconomiques.

Mais le fait est qu’entre les discours démagogiques des experts économiques devenus nombreux ces derniers temps et le discours rassurant du gouvernement, il est une réalité que nul ne peut réfuter: la situation économique du pays reste assez difficile et par trop fragile. Il faut peut-être le reconnaître et le crier à voix haute en expliquant les pourquoi et les comment pour en convaincre décideurs politiques, partenaires sociaux et peuple afin de pouvoir gérer.

Tant que personne n’ose aller aux racines du mal à savoir s’attaquer sans détours aux dépenses de l’Etat trop élevées parce que surchargées par les salaires, tant qu’on n’a pas osé remettre sur le tapis la question de la compensation et qui en profite, tant que la réforme des caisses sociales n’a pas été entamée, rien n’est et ne sera joué. Et cette seconde tranche du prêt débloqué par le FMI en faveur de la Tunisie ne sera qu’un sursis ou un antalgique à une économie gangrenée par la corruption, l’informel et une administration qui fonctionne à 50% de son potentiel.

Et pour terminer, une question posée tout récemment par Ezzeddine Saïdane et qui reste valable: est-ce normal que les finances publiques de la Tunisie, le fonctionnement du budget de l’État, et le fonctionnement de la Tunisie elle-même dépendent si étroitement des résultats d’une mission du FMI?