Les diplomates écrivains, Habib Nouira et Abdelhamid Erraï, au Salon du livre de Sousse

“Diplomates écrivains”, a été le thème d’une rencontre littéraire organisée au sujet des œuvres de deux diplomates à la retraite à savoir Habib Nouira et Abdelhamid Erraï. Une rencontre qui s’inscrit dans le cadre des activités culturelles de la quatrième session du Salon international du Livre de Sousse.

La rencontre animée par l’historien Adel Ben Youssef a permis aux présents de cerner le parcours des deux hommes et de mieux comprendre le cadre dans lequel se situe leur expérience d’écrivain.

Habib Nouira natif de 1925 à Monastir est un zeitounien qui a poursuivi ses études au Caire pour obtenir une licence d’Histoire à l’Université Foued 1er en 1955. De retour en Tunisie, il a entamé une carrière d’enseignant zeitounien avant d’intégrer le ministère des affaires étrangères fraîchement créée après l’Indépendance. Il a exclusivement exercé dans plusieurs pays du monde arabe où il a occupé le poste d’ambassadeur de 1964 à 1986.

Habib Nouira, qui est par ailleurs, frère cadet de l’ancien premier ministre Hedi Nouira, a écrit plusieurs volumes à savoir “Des souvenirs qui m’ont tourmentés” (1992), “Les années d’adversité et de lutte 1925-1965 à travers les correspondances des acteurs – 2 tomes (2007) et enfin “Journal d’un diplomate dans le monde arabe” (2008).

L’ancien diplomate affirme “Après avoir quitté mes fonctions, j’ai senti le besoin pressant de témoigner de tout ce que j’ai vécu. C’était un devoir de mémoire pour mes frères qui ont tous connu les prisons françaises avant l’Indépendance. Une épreuve que j’ai dû à mon tour connaître à l’âge de 16 ans”. Il poursuit ” Tous mes livres retracent avec minutie des événements que j’ai vécus à travers les correspondances que j’entretenais ou que j’ai recueillies. J’ai également tenu avec assiduité un journal quotidien durant ma carrière de diplomate”.

Le second intervenant, Abdelhamid Erraï en l’occurrence, est natif de 1954 à Sousse. Détenteur d’une maîtrise de droit et d’un DEA en droit international et européen de l’Université de Lille, il a occupé plusieurs postes diplomatiques durant trois décennies qui l’ont conduit surtout à Belgrade et à Moscou pour terminer son parcours à Tripoli dans les conditions chaotiques d’après-révolution.

Abdelhamid Erraï a parlé des raisons qui l’ont incité à publier son premier roman en 2012 “J’étais attiré par la littérature depuis mon jeune âge et je ne manque jamais de rappeler le rôle important de la Bibliothèque régionale de Sousse dont j’étais un assidu pour emprunter deux livres par semaine”. Avant d’ajouter “Mon expérience diplomatique m’a permis d’observer l’effondrement du bloc de l’Est et de comprendre les mécanismes qui ont mené à cet effritement. Ces pays ont connu une transition démocratique semblable à celle que nous vivons actuellement. Ceci m’a poussé à exploiter cette expérience pour parler de la situation de notre société sous forme d’un roman”.

Interpellé sur le message qu’il a voulu transmettre, l’auteur a répondu ” En dépit des faits qui se déroulent dans la deuxième moitié du 20ème siècle, le roman demeure d’une actualité brûlante puisqu’il parle de la détérioration du socle des valeurs qui menace tout l’édifice d’effondrement”. Il renchérit en rappelant l’expérience de l’Union soviétique ” L’URSS ne s’est pas effritée suite à un conflit armé mais perdant la guerre des valeurs qui a détruit les bases de sa société. L’impérialisme capitaliste s’attaque frontalement au socle des valeurs d’une société donnée pour l’asservir à ses propres intérêts”.

Questionné sur les raisons qui l’ont poussé à situer toute l’histoire dans la période bourguibienne alors qu’il a plus exercé sous Ben Ali, Abdelhamid Erraï explique “Ce n’est nullement une volonté de mettre les maux sur le dos de l’ère Bourguiba, mais c’était une manière déguisée pour parler de l’ère Ben Ali tout en évitant la censure puisque le roman était censé être publié avant la Révolution”.