Ils sont venus nombreux et ils étaient unanimes: la Tunisie a perdu un grand homme avec la disparition, le 30 janvier 2017 de Mohamed Belhaj Amor. La commémoration du 40ème jour du décès de cette figure nationale a en effet été l’occasion pour les nombreuses personnalités politiques, actuelles -comme Slim Chaker, conseiller à la présidence de la République, chargé des affaires politiques, Samir Taieb, ministre de l’Agriculture,  Moncef Sliti, membre du bureau politique d’Ennahdha, ou la députée Bochra Belhaj Hmida (Machrou Tounes), ou passées– à l’instar de l’ancien président Fouad Mebazaa, l’ex-premier ministre Hédi Baccouche, de plusieurs anciens ministres (Ali Chaouch, Mustapha Kamel Nabli, Kamel Ayadi, Mohamed Chaker)-, syndicales (Abdelmajid Sahraoui), ou du secteur privé et de la société civile (Radhi Meddeb, patron du groupe Comete Engineering et président de l’association ADS), etc., de saluer les nombreuses qualités du défunt, de passer en revue sa riche vie et, ainsi, de saluer son action dans divers domaines.

La valeur n’attend point le nombre des années, a-t-on coutume de dire. Le parcours de Mohamed Belhaj Amor illustre parfaitement ce dicton. Le défunt a commencé à sortir du lot dès le lycée de Sousse, témoigne Hédi Bacccouche, qui l’y a côtoyé. «Il était à l’avant-garde de la lutte contre l’occupation. Nous avons organisé ensemble une grève contre un professeur qui avait giflé un élève. Après mon arrestation, le 18 janvier 1952, Mohamed Belhaj Amor a poursuivi la lutte et a fait de ce lycée une citadelle de la lutte nationale», souligne l’ancien Premier ministre.

Le défunt a également contribué à la création de l’UGET et «a été actif dans toutes ses phases», se souvient son ancien camarade. Ce ne sera pas le seul engagement du défunt dans le monde associatif. Il a également à son actif la création de l’association des Anciens de l’INAT (Institut national agronomique de Tunisie) –dont il a été le premier président- et a été très actif sur le terrain syndical en qualité successivement de secrétaire général de la Fédération de l’agriculture de l’UGTT et de président de l’Ordre des ingénieurs de Tunisie.

Moncef Sliti, membre du bureau politique d’Ennahdha, qui a connu Mohamed Belhaj Amor dans ce cadre, voit en lui à la fois «un homme de compromis» et, en même temps, de «prise de positions solides», et se rappelle le rôle qu’il a joué avec feu Sadok Ben Jemaa dans la grève des ingénieurs de 1989 afin de défendre les intérêts de cette corporation.

Après la fin des études, Mohamed Belhaj Amor «a pris part à la lutte nationale et a adopté l’option socialiste à laquelle le parti et Bourguiba ont poussé», se souvent M. Baccouche. Qui reconnaît et met en exergue le courage politique de son défunt ancien compagnon. «Lorsque Bourguiba a abandonné le choix socialiste, il a pris ses responsabilités, quitté le parti et est devenu un animateur de l’opposition».

Mohamed Belhaj Amor a «ignoré les appels» à réintégrer le Parti socialiste destourien, «a créé un parti (le Parti de l’Unité Populaire, PUP) et lancé un journal, et a été emprisonné et torturé. Il a sacrifié sa confortable situation dans l’administration pour défendre ses idées», salue l’ancien Premier ministre.

Samir Taieb, qui a fait la connaissance de Mohamed Belhaj Amor, pour les besoins d’une recherche, lorsque ce dernier était en train de créer le PUP, se rappelle qu’à l’époque «les gens n’avaient pas compris pourquoi il avait quitté le Mouvement de l’Unité Populaire et on parlait d’un marché qu’il aurait passé avec Ben Ali». Le ministre a trouvé, lui, une personnalité qui «se sacrifie pour ses principes. Il m’a dit qu’il aurait été plus facile de rester avec Ahmed Ben Salah plutôt que d’affronter les difficultés de la création d’un parti».