Les responsables tunisiens -président de la République, chef du gouvernement, ministres, secrétaires d’Etat, gouverneurs, députés, conseillers, PDG et autres décideurs- gagneraient à être qualifiés de “Messieurs Bich Naamalou”, expression arabe qui renvoie dans la langue de Voltaire, à la promesse de faire quelque chose dans le futur sans la tenir, du genre: “nous allons faire ceci, nous allons faire  cela”. En plus clair encore, nos responsables sont constamment dans le tendanciel, jamais en mode d’action.

Une telle attitude est à l’origine de l’immobilisme qui prévaut dans le pays et de tous les problèmes multiformes rencontrés: sit-in, mouvements sociaux, insurrections non  encadrées dans les régions de l’intérieur…

Au regard du nombre colossal des promesses officielles non tenues, au fil des années, nos responsables ont tout intérêt à avoir la décence de ne plus promettre aucun projet et de n’annoncer que les réalisations accomplies. Plus simplement, vu les dégâts occasionnés, ils ont intérêt à se taire quand ils parlent.

Car, la difficulté majeure rencontrée actuellement en Tunisie ne réside pas dans le diagnostic des problèmes, encore moins dans l’identification des solutions, mais dans l’absence d’une vision claire sur le moyen et le long termes et dans la non-exécution des projets annoncés antérieurement.

L’exemplarité n’existe pas hélas

Les champions de “Bich Naamalou” sont manifestement les deux têtes de l’exécutif. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui n’a pas tenu ses promesses électorales et qui n’est jamais parvenu, deux ans après son élection, à mener à terme une seule des réformes qu’il avait proposées, s’agissant particulièrement du projet sur la réconciliation économique et financière et de la révision de la loi 52 relative à la consommation des stupéfiants.

Le second n’est autre que le chef du gouvernement, Youssef Chahed. Lors de sa dernière interview accordée, le 26 février 2017, à la chaîne ElHiwar Tounsi, il avait répété cette expression magique, une vingtaine de fois: “Bich naamalou, Bich naamalou, Bich Naamalou, Bich Naamalou…”.

Sur le terrain, plus exactement à Ben Guerdane où il vient de présider la commémoration l’agression du groupe terroriste Daech contre ce village (7 mars 2016), il n’a fait qu'”annoncer” du réchauffé, c’est-à-dire des projets annoncés antérieurement, au grand désespoir des habitants de cette contrée frontalière.

Ses ministres sont également de la partie. Dans leurs interventions publiques, certains ne cessent de ressasser des solutions évasives et anesthésiantes, du genre: “nous avons une étude, nous travaillons sur un projet de loi, nous sommes en train de chercher un  financement, nous avons formé une commission pour étudier tel ou tel problème…”.

Des ministres qui posent des conditions pour travailler

D’autres se sont ingéniés à conditionner leur performance et l’obtention de résultats tangibles à la promulgation de lois sur mesure et spéciales. C’est le cas du ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale qui a exigé, pour impulser l’investissement, de disposer d’une loi d’urgence pour faciliter et accélérer l’exécution des projets. Comme s’il ne pouvait pas avec l’équipe dont il dispose actuellement mobiliser des groupes de travail pour accompagner ces éventuels investisseurs et impulser l’investissement dans le pays.

Avant lui, le gouvernement de Habib Essid avait remué ciel et terre pour faire adopter, en dépit d’une opposition farouche des députés de gauche, par l’ARP la loi, sur le Partenariat public privé (PPP), une loi présentée à l’époque comme la panacée pour stimuler l’investissement. Et pourtant, après la promulgation de cette loi, depuis une année et demie, on n’a rien vu venir.

Idem pour la loi ultralibérale sur la recapitalisation des banques publiques et celle sur le statut de la Banque centrale. Une année après leur leur adoption, ces textes retenus comme des leviers efficaces pour promouvoir le financement des entreprises n’ont rien donné.

Pis, le gouvernement manœuvre, de nos jours, pour réformer, de nouveau, les banques publiques en vue de les fusionner, et ce au moment même où, paradoxalement, leur situation commence à s’améliorer de manière significative.

Pour l’émergence d’une nouvelle classe politique

Moralité: ce penchant des responsables pour les professions de foi, pour les éternels diagnostics et pour des projets sans lendemain, révèle une incapacité génétique d’agir et de résoudre les problèmes du pays.

Les responsables actuels souffrent d’un déficit d’imagination structurel, d’où l’enjeu, comme le proposent certains, d’appeler à la restructuration de la classe politique et l’émergence d’une nouvelle génération d’hommes politiques, voire de responsables capables de prendre des décisions audacieuses, de générer le rêve et de créer l’espoir. L’homme politique étant avant tout un marchand de rêve et non de mensonges.