Congrès de l’UGTT 2017 : Est-ce le renouveau du syndicalisme tunisien?

L’UGTT a adhéré au principe du dialogue politique, puis d’un répit social, pour le gouvernement Chahed. Franchira-t-elle le pas vers la flexisécurité?

Il aura plané sur l’actuel congrès un vent de réconfort. La Centrale palpait les dividendes de ses choix forts. Le bureau sortant est auréolé du trophée du Nobel. Il y a également d’autres faits d’armes, à son actif. Il a bien confirmé le rôle de partenaire incontournable sur la scène nationale. Sa place était méritée dans le dialogue politique et dans le Pacte de Carthage. Et cela n’est pas rien pour apaiser les bases sur l’avenir de l’UGTT. C’est la ténacité de l’ancien bureau et la position forte de la Centrale qui ont fait que toutes les négociations salariales aient lieu et aboutissent à des augmentations, plus ou moins bien acceptées de tous.

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Mais autant il a eu cette fermeté de principe, à ne pas transiger sur les droits des travailleurs, autant la conviction patriotique était à l’œuvre. Le moratoire accordé au gouvernement Chahed pour le paiement d’une augmentation de salaires pourtant signée, de plein gré, est un acte de haute facture de lucidité politique.

L’UGTT est la première force du pays, aimaient à scander les dirigeants de la Centrale. En évitant d’acculer le gouvernement à l’impuissance financière, le bureau sortant, Houssine Abassi en tête, prouve que la Centrale sait prendre ses responsabilités historiques et faire bon usage de sa force. Et, de beaucoup d’élégance politique, éludant les propos provocateurs usuels tel “l’obéissance au diktat du FM“ et tutti quanti.

Au vu du coulissage paisible entre les deux bureaux, peut-on extrapoler que la Centrale irait vers des révisions doctrinaires décisives, de celles qu’on désigne par “compromis historiques“?

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Le dialogue, la concertation et … après?

Sur la pente vertueuse suivie par le bureau sortant, le bureau élu aura-t-il la résolution nécessaire pour s’engager dans l’édification du Conseil national du dialogue social?

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Economie : Il faut institutionnaliser le dialogue social tunisien

Rappelons que la Centrale a signé avec le gouvernement et l’UTICA, en janvier 2014, le nouveau pacte social. Celui-ci prévoit l’instauration de ce cadre institutionnel pour gérer l’univers social. Pour faire court, on va dire que ce pacte est la clé de voûte du nouveau modèle économique. On peut soutenir, sans se tromper, que c’est la voie de la “scandinavisation“ du modèle social tunisien. L’ennui est qu’il comprend entre autres réformes celle de l’esprit syndical car il inclut la légalisation de la flexisécurité. Cette disposition permettrait de moderniser le code du travail tunisien en l’harmonisant avec ce qui se fait dans les économies avancées et notamment celles du Nord.

Rappelons qu’en dehors des quelques retouches opérées en 1995, nous conservons le cadre du code tel qu’élaboré en 1956, par l’Etat de l’indépendance.

Le bureau sortant et notamment Houssine Abassi ont tourné le dos à leur engagement et n’ont pas sauté le pas et convaincre leur base d’aller vers ce “compromis historique“. Ils s’étaient défaussés sur un argument, quelque peu roublard, soutenant que la reprise de l’investissement n’est pas conditionnée par le renoncement à un acquis social important qui est la stabilité de l’emploi.

La flexisécurité n’est pas la précarité, s’égosillaient à leur tour les dirigeant de l’UTICA, mais en vain.

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Après avoir manifesté une discipline patriotique et républicaine, le syndicalisme national fera-t-il cet aggiornamento historique en allant vers un syndicalisme participatif, qu’on peut qualifier, sans grand risque d’erreur, de syndicalisme citoyen? L’espoir est permis, cependant la question mérite débat.

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