Tunisie : Fonds Moussanada, ou le deuxième souffle des réformes?

Voilà un exemple de coopération ciblée. Le fonds vient en soutien à la conduite des réformes. Un cas concret de transfert de méthodologie. Mettre les collectivités locales aux meilleurs standards internationaux de gestion est un pas de plus, vers la démocratie locale.

Le fonds Moussanada reçoit une deuxième dotation pour développer ses interventions. Rappelons qu’il a été lancé par la Suisse en 2014, en réponse à une demande de la Tunisie. Il avait reçu une dotation initiale de 3 millions de dollars, soit la contrevaleur de 6 millions de dinars tunisiens, lesquels ont été entièrement mobilisés. L’objectif recherché est d’apporter à la Tunisie les fonds et l’expertise nécessaire à la conduite des réformes dans deux domaines précis, à savoir le secteur bancaire et les collectivités locales.

Une deuxième dotation vient d’être libérée pour un montant de 10 millions de dollars soit la contrevaleur de 23 millions de dinars. On note que le Royaume-Uni et l’UE ont rejoint le tour de table. La convention de souscription a été signée jeudi 12 courant par le ministre tunisien de l’Investissement, du Développement et de la Coopération internationale, et les ambassadeurs des trois pays donateurs ainsi que de la représentante de la Banque mondiale en Tunisie, laquelle assure la direction et la gestion de Moussanada.

Le secteur bancaire, premier bénéficiaire

Le sauvetage des banques publiques par une recapitalisation budgétaire avait été accompagné par une série de recommandations en vue d’une meilleure gouvernance. C’était une réforme nécessaire sur la voie de la transparence et de la culture de la performance. Et, c’est Moussanada qui a piloté et financé l’opération.

A présent, les structures sont mises en place. Toutes les banques publiques se sont dotées d’un Conseil d’administration où des administrateurs indépendants siègent désormais. C’est, à l’évidence une étape incontournable même si nous pensons qu’elle n’est pas suffisante. Toujours est-il qu’avec le panachage des conseils on prépare la mutation vers une gestion débridée c’est-à-dire proche de la gestion du privé. C’est un acte, certes, de modernisation mais également, nous le pensons, d’éligibilité à une éventuelle privatisation. D’ailleurs la réflexion sur la promotion d’une agence de gestion des participations publiques a encore confirmé son bien-fondé à l’occasion de l’intervention de Moussanada.

La voie vers la décentralisation et l’autonomie financière des communes

Deuxième récipiendaire du fonds, les communes. Le premier relai du développement des régions est le réseau des communes. Rappelons que le territoire a été totalement communalisé. On a créé 84 nouvelles et on a étendu l’espace des 187 existantes. Le tissu des 271 communes sera l’espace qui Å“uvrera à la convergence économique. C’est l’écosystème dédié à irradier la dynamique du développement. Cela aidera, sans doute, à estomper les inégalités territoriales. Un programme pilote a donc été lancé auprès de quatre gouvernorats qui sont Jendouba, Kasserine, Gafsa et Tataouine. Des lots d’équipements leur ont été octroyés pour les soutenir dans leur activité. Et un autre programme expérimental, cette fois en matière de gestion des ressources, a été également lancé. La municipalité de Sousse a le mieux progressé, à ce jour.

Il s’agit d’adopter des normes de gestion internationales dites TEFA, qui sont en vigueur dans 550 municipalités dans le monde, réparties dans 149 pays. Le but recherché est de les amener sur le terrain de la performance.

D’ailleurs, TEFA comprend 32 indicateurs et 79 composantes. Désormais, l’Etat lie ses transferts budgétaires au respect des nouvelles normes. Via ce saut de qualité en matière de gestion des fonds publics, les collectivités locales seront éligibles à l’assistance financière des bailleurs de fonds internationaux. L’Etat, en développant leurs capacités, les prépare donc à leur autonomie financière.

Il faut ajouter qu’avec leurs nouvelles attributions économiques, les communes seront appelées à tripler leurs budgets actuels. Il faudra les habituer à adapter leur fiscalité en conséquence.

Apaiser les régions

Etant donné que les élections municipales sont à un horizon proche, la question de l’émancipation des collectivités locales devient impérieuse. Et, c’est bien ce qu’a dit Fadhel Abdelkefi: ”Les régions ont besoin de voir les premiers coups de pioche des projets structurants” pour se rassurer.

De jour en jour, l’inquiétude se fait encore plus pressante. L’autonomie des communes en fera la première ligne d’interlocuteurs de proximité des citoyens. Et l’instauration de la transparence est un premier élément qui rassure les citoyens sur la bonne allocation des ressources.

D’ailleurs, l’administration centrale n’est pas restée en retrait. Un site “Mizaniyati“ est déjà en service. Cette plateforme de transparence budgétaire met les collectivités au niveau des meilleurs critères internationaux. Il faut marcher à pas rapides vers “l’open-gov”. Cela donnera tout son relief à la démocratie locale.