Imed Derouiche : «J’ai choisi ma guerre, celle de l’eau»

Par : Autres

Les experts sont unanimes, pour la Tunisie la guerre de l’eau sera plus longue et plus harassante que la guerre contre la contrebande, la corruption et le terrorisme, car si nous pouvons combattre ces dernières en osant appliquer la loi, en observant plus de vigilance, en assurant un travail social et en formant et en encadrant les jeunes, nous ne pouvons gagner la première que par la science, la connaissance et surtout l’exploration des ressources enfouies dans nos sols et notre mer. 

Elément essentiel dans la vie de l’homme, valeur vitale de l’écosystème et indicateur de développement des sociétés modernes, l’eau commence à manquer en Tunisie, et plusieurs secteurs comme le tourisme, l’agriculture et même l’industrie commencent à pâtir de cette pénurie qui risque d’avoir des conséquences sociales et économiques lourdes et désastreuses.

C’est désormais une question de sécurité nationale. Il appartient aux autorités tunisiennes d’être proactives et anticiper cette guerre en élaborant une stratégie offensive basée sur des données scientifiques et géologiques pour prémunir le pays contre tout risque de stress hydrique. Une stratégie de guerre capable d’affronter la pénurie de l’eau par la constitution d’une réserve suffisante pour les générations futures et la valorisation d’une ressource naturelle indispensable pour notre survie et un levier de développement économique.

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Contrairement aux idées reçues, la Tunisie peut gagner la guerre de l’eau, et comme le dit l’adage, «aux grands maux, les grands remèdes», il urge de profiter de la Méditerranée et optimiser les expertises tunisiennes pour faire de notre pays une oasis à ciel ouvert capable d’abreuver ses Hommes, sa faune et sa flore.

A l’heure du souverainisme et du développement durable, la maîtrise de l’eau est au cœur du débat. C’est une question de survie et un choix géopolitique pour affirmer notre indépendance et surtout s’inscrire dans un processus de développement durable et équitable. C’est un combat qui requiert du pragmatisme et de l’expertise scientifique car la Tunisie ne pourra pas gagner sa guerre uniquement par la construction de barrages alors qu’elle dispose d’un trésor inestimable et inépuisable: celui de la Méditerranée.

Elle doit amorcer sa révolution hydrique en transformant son eau salée en eau potable pour atteindre l’autosuffisance et constituer une réserve pour les générations futures. C’est une révolution qui transformera l’eau en or massif avec des retombées importantes sur le développement régional, les équilibres sociaux, l’agriculture, l’industrie, l’énergie et bien sûr l’emploi.

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Œuvrons pour un mégaprojet de dessalement des eaux

Le choix d’un mégaprojet de dessalement d’eau de mer est un choix d’indépendance économique, de souveraineté politique et surtout une stratégie de développement durable et équitable dans toutes les régions.

Et s’il convient de construire des barrages au nord du pays connu pour son fort potentiel pluviométrique, le choix d’un mégaprojet de dessalement d’eau de mer au sud du pays s’impose comme alternative futuriste et comme une marque d’indépendance.

En puisant dans la Méditerranée, nous pouvons atteindre une capacité avoisinant les 2 millions de m3/jour, selon les résultats des études, en injectant l’eau dessalée par compression dans les réservoirs naturels (Miocène) et (Continental Intercalaire du crétacé situés au centre et au sud du pays).

Installé entre les villes de Skhira et Gabès, le mégaprojet de dessalement d’eau aura le triple avantage de bénéficier de la proximité de la mer, d’un ensoleillement de presque 250 jours/an pour installer l’énergie photovoltaïque et du passage du gaz pour faire fonctionner les centrales la nuit. C’est un procédé révolutionnaire qui permet d’extraire l’eau de mer, la dessaler pour la rendre potable et l’injecter dans les nappes profondes entre 100 et 700 mètres pour constituer sa réserve sans limite de stockage ni infrastructure de tuyauteries.

Il reste à déterminer les points d’injection qui peuvent atteindre les villes de Tataouine, Tozeur, etc.

Même si l’investissement de ce mégaprojet de dessalement d’eau de mer est à la mesure de sa dimension, nous pouvons gagner le pari. Il est opportun de rappeler qu’un emprunt national et le recours aux fonds de la COP 21, aux crédits fournisseurs (Japon –Allemagne), à la FAO, aux fonds de Kyoto et la contribution des sociétés pétrolières, installées au sud du pays, et aux mécanismes d’aide des Nations unies, permettront de boucler le schéma de financement de ce mégaprojet d’autant plus que le retour sur investissement est assuré du fait de ses retombées positives sur les secteurs agricole et industriel.

Oser ce projet marquera la Tunisie en tant que grande Nation et inscrira en lettres d’Or sa victoire dans la guerre de l’eau. En étant plus indépendante au niveau des ressources hydriques, notre pays pourra s’impliquer beaucoup plus dans l’environnement (l’énergie solaire fera fonctionner les stations de compression, ainsi que l’osmose inverse) et affirmera son engagement dans le développement et la diversification de l’agriculture dans les régions arides.

Ce mégaprojet est capable de hisser la Tunisie au rang des pays émergents économiquement et stable socialement car le dessalement de l’eau de mer servira à procurer 25.000 emplois à nos jeunes et permettra de maintenir les populations dans leur environnement naturel en leur évitant le déplacement à la recherche d’opportunités de travail.

Tous les rêves sont permis. Nos jeunes, grâce au dessalement de l’eau de mer et les opportunités que cette opération offrira pourraient créer des milliers d’hectares de surfaces irrigables qu’ils pourraient exploiter. Les petits projets de transformation qu’ils pourraient entreprendre les aideront dans la culture de fruits exotiques comme les Kiwi, les bananes, les mangues etc. Sans oublier les énormes possibilités dans le secteur agroalimentaire.

A cœur vaillant, rien d’impossible: le Sinaï en Egypte en est le parfait exemple.

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