Pour un beau cadeau de fin d’année, c’en est vraiment un. Le ministère de l’Industrie et du Commerce vient de satisfaire une requête majeure des concessionnaires automobiles. Il leur a renouvelé l’agrément pour trois ans au lieu d’un an. Il s’agit d’une promesse faite à la Chambre syndicale des concessionnaires automobiles par les prédécesseurs de Zied Laâdhari, actuel ministre de l’Industrie et du Commerce.

Auparavant, les agréments étaient annuels. Chaque année, les concessionnaires devaient renouveler leur agrément, ce qui ne leur permettait pas de planifier à moyen terme leurs priorités et besoins.

Pis, ces mêmes concessionnaires vivaient un stress continu en ce sens où chaque trimestre ils étaient tenus d’écouler seulement 25% de leurs quotas. Cela signifie que, une fois qu’ils ont atteint les 25%, il faut attendre le prochain trimestre pour pouvoir importer.

Est-ce la fin des désagréments?

Avec une telle réglementation, les concessionnaires ont connu un phénomène très grave: certains bateaux ont été refoulés alors qu’ils étaient arrivés au port de La Goulette avant l’écoulement du quota trimestriel.

Conséquence: le marché était jusque là alimenté en dents de scie avec des phases de pénurie et de stockage. Il ne permettait pas aux concessionnaires de programmer des croissances durables en partenariat avec les constructeurs.

La décision d’instituer l’agrément tri-annuel intervient après une autre décision très importante prise l’année dernière, celle qui habilite les concessionnaires de reprendre des voitures d’occasion en vue de leur revente avec la garantie du constructeur.

Effectivement, la loi de finances 2016 autorise les concessionnaires à reprendre les véhicules d’occasion en ne payant que la TVA sur le bénéfice et non sur l’achat du véhicule. Certains concessionnaires, comme Ennakl, ont créé à cette fin une filiale spécialisée dans la reprise et la revente de véhicules utilisés.

Prises en l’espace d’une année, ces deux décisions majeures, en l’occurrence l’agrément tri-annuel et l’agrément pour retaper les voitures d’occasion avec la garantie du constructeur, ne manqueront pas de redonner des couleurs à un secteur stressé et de préparer le terrain pour le lancement, peut-être, d’un grand projet d’assemblage automobile en Tunisie.

Ces deux décisions auront également pour avantage de stabiliser l’alimentation du secteur, de réduire le poids du marché parallèle et de rentabiliser les investissements réalisés dans les réseaux et le service après-vente en vue d’une professionnalisation adaptée aux standards internationaux.

Plaidoyer pour l’ouverture du marché

Par ailleurs, ces mesures constituent certes une importante étape sur la voie de la stabilisation du marché, mais elles gagneraient à être renforcées par l’ouverture totale du marché d’autant plus que ce secteur, contrairement à ce qu’on dit, est un secteur excédentaire. De par l’effet de la compensation industrielle (industrie florissante en Tunisie de l’industrie off shore des composants automobiles), le secteur exporte plus qu’il n’importe. Le secteur automobile rapporte annuellement au moins 100 millions de dinars avec sa taille actuelle. Les professionnels estiment que le secteur mérite aussi d’être totalement libéralisé avec comme corollaire la non-limitation des quotas dans la mesure où il y a une forte demande.

Rappelons que les concessionnaires agréés importent chaque année une moyenne de 55.000 véhicules sur une demande totale de 85.000, le reste étant fourni en partie par le marché parallèle.

Mieux, selon une étude récente effectuée par l’intermédiaire en Bourse, MAC SA, se référant aux statistiques de l’Agence technique des transports terrestres “A3T“, le taux de motorisation de la Tunisie s’élève à 9,1% (soit un véhicule pour 11 habitants) contre 11% en Turquie, 20,3% en Roumanie et 48,2% en France.

Brahim Debbeche, PDG d’Ennakl, farouche opposant à la limitation des quotas et au contrôle de l’importation par l’Etat, estime que la seule solution pour stabiliser de manière pérenne le marché réside dans son ouverture.

Il est persuadé que «cette ouverture du marché est nécessaire pour permettre justement aux différents acteurs du marché d’être compétitifs en étant en position de force vis-à-vis de leurs partenaires, les constructeurs. Or, aujourd’hui, quand le marché est limité, nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre pour négocier avec nos fournisseurs», dit-il avant d’ajouter: «il y va de l’intérêt du consommateur tunisien qui nous (concessionnaires) intéresse, finalement, le plus. L’ultime objectif étant de le faire bénéficier de prix compétitifs et de le dissuader à s’aventurer sur le marché parallèle avec tous les risques que cela suppose, d’autant plus que les concessionnaires sont assez outillés pour alimenter le marché de manière beaucoup plus régulière qu’aujourd’hui, et ce en fonction de la demande et des besoins».