Collectif citoyen contre le retour des terroristes : La Tunisie est la victime et non le bourreau

«Je n’oublierai jamais cette scène où j’ai été obligée d’enlever les signes de joie d’un appartement parce que les jeunes parents ont été assassinés par un terroriste à Istanbul (il s’agit des époux Azzabi). J’ai dû alors que la grand-mère de la petite qui n’a que cinq mois, était en état de choc, enlever les cotillons, les guirlandes, les canons à confettis, bref tout ce qui symbolise la vie parce que les marchands de la mort en ont décidé autrement. C’est ce qui renforce encore ma conviction personnelle et notre volonté en tant que collectif citoyen de militer pour sensibiliser le peuple, interpeller les décideurs et influencer sur les décisions qui engagent notre pays. Nous voulons que notre pays respire la paix, nous voulons qu’il soit imprégné de la culture de la vie et non de celle de la mort que les nouveaux soldats de l’apocalypse veulent nous imposer!»

Un témoignage très émouvant de Dr Néziha Gouider Khouja, l’une des initiatrices du Collectif citoyen qui a organisé le sit-in du Bardo tenu samedi 24 décembre, lors de la conférence de presse tenue mercredi 4 janvier à l’hôtel Les Ambassadeurs.

Il faut reconnaître que les nouvelles qui circulent ci et là ne sont pas des plus rassurantes. Ainsi, selon Jeune Afrique, «des sources proches d’Ennahdha affirment que des dirigeants du mouvement souhaitent que les dossiers de revenants des foyers de tension entrent dans le champ de compétence de la justice transitionnelle, chapeautée par l’Instance Vérité et Dignité (IVD). Les djihadistes avoueraient publiquement leurs crimes, témoigneraient de ce qu’ils ont vu et vécu, accepteraient d’être “déradicalisés“ et de faire l’objet d’un suivi psychiatrique». Une banalisation révoltante pour des crimes atroces. Pour Boutheina Ezzine, membre du Collectif, c’est non seulement inadmissible mais inimaginable. «On veut mettre à égalité les coupeurs de têtes, de mains, ceux qui prennent des selfies avec leurs “trophées“ et les criminels de droits communs ou les déséquilibrés! Il faut être fou pour le croire».

Unissons la terminologie des partis sur le terme terroriste

Et d’ailleurs, les temps sont venus, estime Aida Ben Chaabane, elle aussi membre du Collectif et présidente de la Coalition des Femmes de Tunisie, pour que toutes les parties prenantes adoptent une même posture face au phénomène terroriste, à commencer même par la terminologie et la communication politique des partis en place. «La perception du djihadisme ou terrorisme diffère d’un parti à un autre alors que nous avons besoin qu’on accorder les violons pour une définition unique de l’acte terroriste et de son initiateur, fomenteur et financier».

La communication politique de certains partis sème la discorde et tend à disperser les actions de lutte de l’Etat contre le phénomène terroriste. Il est grand temps, selon elle, que toute personne qui encourage de manière directe ou indirecte le formatage des jeunes, leur endoctrinement et leur départ vers des pays en guerre comparaisse devant les tribunaux et soit jugée. Tout comme la banalisation de toute action d’endoctrinement par des mea-culpa ridicules qui veulent considérer les discours des prêcheurs radicaux comme des erreurs de «compréhension ou d’interprétation» sic est à bannir. Car, s’il y a des combattants qui ont participé à des guerres et coupé des têtes, il y en a d’autres qui ont été empêchés. Est-ce à dire qu’ils iront vers le repentir? Rien n’est moins sûr car nombre d’experts, dont Mouez Ali, président de l’Association UTIL, estiment que le repentir est un vain mot en ce qui concerne ces jeunes formatés. Ils referont la même chose dès qu’ils sont de nouveau relâchés dans la nature.  Il faudrait par conséquent mettre en place toute une stratégie pour savoir comment traiter avec ceux qui sont restés sur place, ceux qui sont partis, ceux qui n’ont pas commis de crimes ou actes répréhensibles et comment protéger la population du poison idéologique extrémiste qu’ils sèment partout où ils passent.

Une grande responsabilité incombe à l’Etat pour parer à tout déraillement à leur retour sans oublier une participation active de la société civile et pas celle qui, sous forme d’actions caritatives, procède elle-même au formatage et à l’envoi des jeunes pour se faire massacrer dans des pays en guerre.

Il y a également une importante action à entreprendre, estime Me Majed Ben Haj Ali, membre du Collectif, c’est celle de coordonner plus efficacement et plus activement les opérations d’identification des éléments dangereux, avec des pays comme la Syrie, la Libye et l’Irak, pour mettre fin au cercle vicieux des terroristes islamistes.

La Tunisie ne peut plus se permettre le luxe de ne pas élever sa représentation diplomatique avec la Syrie à celle d’une ambassade alors que sur place, nous avons une communauté tunisienne qui souffre et que les échanges d’informations souffrent d’une absence de transparence et de fluidité.

Il ne s’agit pas de construire des prisons hautement sécurisées, d’isoler les terroristes pour lesquels le terme repentir est dénué de tous sens ou de leur consacrer des séances de psychothérapie. Nous avons eu l’expérience des amnistiés de Slimane qui se sont vite «repentis» en reprenant les armes, en endoctrinant des jeunes et en faisant des coupeurs des têtes.

Grands temps d’internationaliser la problématique terroriste dont souffre la Tunisie

Pour le Collectif, il ne s’agit pas de s’arrêter aux simples dénonciations mais d’aller de l’avant. D’ores et déjà un plan d’action a été mis en place et qui comprend dans une première étape la constitution de trois délégations composées d’hommes et de femmes militant pour la paix en Tunisie et des personnalités tunisiennes pour des entrevues avec le président de la République. Le but est de l’interpeller par rapport aux financement des associations, dont celles occultes, le rôle de la BCT dans le contrôle des fonds venant de l’étranger ainsi que le renforcement des investigations concernant les organisateurs des filières d’envoi des jeunes dans les pays qui souffrent de guerres fratricides et la falsification des documents qui facilitent leur départ.

Une deuxième délégation se rendra auprès du chef du gouvernement pour l’appeler à doter le pouvoir judiciaire de tous les moyens financiers et humains afin que les juges exerçant dans le pôle antiterroriste et enquêtant sur les financements occultes exercent leur mission dans les meilleures conditions. Et enfin, une troisième délégation portera ces mêmes messages au président de l’ARP et rencontrera les députés préoccupés par la problématique de la sécurité nationale et celle des citoyens tunisiens.

Quant aux médias –qui jouent un rôle crucial dans la préservation de l’image de «notre patrie à travers les talk shows, les débats et les plateaux, ainsi qu’à travers la presse écrite et électronique»-, le Collectif les interpelle pour qu’ils soient plus soucieux de la sécurité des citoyens et évitent d’entrer dans le jeu malsain inconsciemment ou consciemment du blanchiment des artisans du terrorisme ou de la justification des actes terroristes quelles que soient leurs origines.

La sécurité de nos compatriotes relève de la responsabilité de tous et les médias constituent un pilier important dans la lutte contre le fléau du terrorisme, ceux qui le financent et ceux qui le soutiennent.

Le Collectif ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Il est décidé à internationaliser la problématique terroriste dont souffre la Tunisie. Car les Tunisiens au même titre que d’autres pays sont les victimes du terrorisme et de ses artisans à l’international. Des centaines de de milliers de dollars ont été injectés en Tunisie par des pays prétendument soucieux de la démocratie alors qu’ils étaient conscients qu’une grande partie de ces fonds allaient financer via des associations caritatives l’opposition «modérée» en Syrie et la guerre de libération de la Libye. Il est grand temps que ces pays assument leurs responsabilités.

Le Tribunal de La Haye sera, dès la constitution des dossiers, interpellé à ce propos. Sami Handous, membre du Collectif, en a parlé lors de la conférence de presse. «Nous ne laisserons personne pointer notre pays, reconnu pour sa tolérance et son pacifisme, comme étant la source du terrorisme mondial. La Tunisie est une victime et non un bourreau!»

Hakim Tounsi, expatrié en France, crie lui son indignation en disant «La guerre contre le terrorisme est aujourd’hui plus que jamais universelle et la réponse ne peut être qu’au même niveau, c’est-à-dire à travers des lois et des jugements supranationaux, onusiens.
Il faut arrêter ce cycle infernal en enrayant le mal à sa base, c’est-à-dire au niveau de ceux qui en font la propagande et l’apologie. Il faut les sanctionner lourdement et leur couper tout moyen de communication pour éviter qu’ils répandent leurs thèses morbides et donnent des idées macabres aux désespérés et aux fragiles de plus en plus nombreux de la planète.

La responsabilité incombe à la communauté et aux instances internationales qui doivent agir en urgence car le mal connait un développement galopant qui ne reconnait aucune frontière. La réponse pour être efficace ne peut être qu’à l’échelle planétaire.
Que fait le Tribunal Pénal International de La Haye? Pourquoi n’a-t-il pas encore ouvert officiellement d’enquêtes sur les réseaux terroristes et poursuivi ses responsables, ses instigateurs, ses pourvoyeurs de fonds?

Le peuple tunisien, victime sur son sol à de multiples reprises d’attentats terroristes qui l’ont ensanglanté et endeuillé plusieurs centaines de fois ces six dernières années, se retrouve boycotté, économiquement ruiné et encore une fois pointé du doigt par les médias internationaux comme étant le pays responsable de tous les maux et décrit comme un vivier producteur de terroristes.

Pour que la jeune démocratie fragile et naissante en Tunisie ne soit pas exploitée par des tiers à des fins malveillantes, les Tunisiens demandent à ce que toute la lumière soit faite sur l’étendue et la véritable implication de leur jeunesse enrôlée dans les filières djihadistes».

Rien à ajouter.

Amel Belhadj Ali