Tunisie – An 60 de l’indépendance : Y a-t-il un avenir, après la révolution?

Qu’avons-nous fait de notre indépendance? Un Etat. Une individualité. Une singularité. Et, une deuxième République. Cette nouvelle souche sera-t-elle la bonne?.

tunisien-caricature-confiance-680.jpgLa question était inévitable. Soixante ans, c’est un bail, dirait le bon peuple. C’est le temps pour une pause méditation sur notre trajectoire historique. Qu’avons-nous fait de notre indépendance? Cette dernière, telle la jeunesse, si on ne la met pas à profit, flétrit.

A bien y regarder, cette interrogation est à double fond. En la lisant, au second degré, on comprend que son auteur insinue que l’on aurait gaspillé notre indépendance. Sur les décombres de la révolution, on a élaboré l’OGM de l’Etat de l’indépendance. Cette greffe tiendra-t-elle ses promesses? Ne sommes-nous pas à la veille d’un banco historique où nous aurions, à la manière de Tarak Ibn Ziad, à brûler nos vaisseaux?

Tout parier sur l’Etat : un choix périlleux!

Si on prend l’histoire à rebours, on peut penser que la dynamique de l’indépendance s’est fracassée contre le mur de notre incompétence. Le principe de Peter s’étendrait-il des personnes vers les Etats? Triste réalité. Le pays pensait, en recouvrant sa souveraineté, accomplir son émancipation politique et économique. Soixante ans, plus tard, on découvre, avec un certain dépit, que nous sommes loin de ressembler à la Suède, qu’on voulait prendre pour modèle. Notre économie, qui claudique, ne nous rapproche pas non plus de la Suisse, notre autre modèle. Et si on devait faire de l’économie comparée, la Corée, cet autre lièvre qu’on devait prendre comme compétiteur nous a distancés.

La Tunisie, si dynamique, va-t-elle se résigner à sa posture de looser? Damned, shit, tout ce que l’on voudra, tonnerres de Brest et d’ailleurs, garantis. Misère, qu’est-ce qui fait que tous nos choix ont tourné court.

Tour à tour, Ahmed Ounaies, fin diplomate, Mansour Moalla, immense planificateur, Raja Farahat, opérateur culturel novateur, et Wafa Makhlouf, impératrice du JD international au nom de toutes les battantes, méritantes de Tunisie, modérés par Hassen Zargouni, convergeront vers un constat unique. Il nous faut brûler nos vaisseaux. Nous sommes devant un choix unique: l’heure est venue pour réactiver le génie national des origines! L’Etat, cet édifice, ce gros œuvre de l’indépendance, s’est auto-cannibalisé. Il a pourtant donné corps à un melting pot national. Oui, des énergies, venues de toutes nos régions de l’intérieur, ont généré un génie national. Un Démos tunisien a émergé avec sa vague de cohésion et d’unité nationale. Après la décennie de la lumière, le monolithisme a phagocyté le pouvoir. Le système s’est retrouvé hors-la-voie.

Du monolithisme au centralisme : la descente aux enfers.

Qu’est-ce qui fait que toute cette poussée qui a propulsé la Tunisie au zénith du concert des nations soit retombée? La “Tunisie de Bourguiba“ s’était mise sur une trajectoire résolument ascendante. Elle donnait le ton. Elle était le laboratoire, du continent et même de Méditerranée par ses choix forts. Entre le beurre et les canons, elle a misé, jusqu’à sa chemise, sur la matière grise. L’enseignement, la santé, le sport ainsi que la culture pour tous. Quelle perspicacité, quelle individualité!

Pourquoi ce lustre s’est-il évanoui? Le pouvoir personnel, le centralisme administratif et le parti-Etat ont généré un processus d’immobilisme de l’Etat. Puis d’impuissance et, pire que tout, d’injustice et d’inégalité. L’Etat s’est laissé ronger de l’intérieur par les mites de la corruption, du favoritisme, puis de la prédation économique et, pour couronner le tout, de la féodalisation.

La trajectoire s’est brisée en plein vol. Après avoir été le périmètre de la renaissance politique et économique, nous sommes devenus l’espace des opportunités précieuses, du potentiel et des occasions perdues.

Une deuxième chance peut-elle se profiler devant nous?

Un nouveau départ?

Le souffle de la révolution a secoué l’Etat de l’indépendance, sans l’ébranler. Bourguiba, avant son crépuscule, affirmait que l’édifice est solide. Cela s’est vérifié. La IIème République, faite avec une ingénierie politique novatrice, peut-elle faire repartir l’ensemble? Nos régions sauront-elles aller vers de la synergie sans frictions régionalistes? Saurons-nous réinventer la magie des origines et rebâtir une citoyenneté loyale et gommer la fatalité de l’échec? Là est notre principal défi.