Attentat de Tunis : Entre le marteau de Daech et l’enclume de l’instabilité sociale

Douze (12) martyrs parmi la garde présidentielle suite à une opération suicide en plein centre-ville, à 200 mètres du ministère de l’Intérieur, tout près du ministère du Tourisme et de l’Artisanat et des plus grandes banques privées de la place au cœur de Tunis ! Le 13ème cadavre déchiqueté appartiendrait, d’après le journal Attounssia, à un agent de la garde présidentielle limogé parce qu’on s’était rendu compte de ses orientations islamistes extrémistes. Il s’est bien vengé. Il se serait donc muni d’un sac à dos ou d’une ceinture contenant 10 kg d’explosifs militaires (syntex) et se serait fait exploser dès qu’il est monté dans le bus.

Ce kamikaze ne pouvait avoir agi seul. L’opération semble avoir été bien étudiée. Elle est pleine de symboliques et a touché à la souveraineté nationale en s’attaquant à la garde présidentielle et par là même à la sécurité du président de la République lui-même.

attentat-bus-securite-presidentielle.jpgDaech qui vient de revendiquer l’attentat n’est pas très loin de chez nous, bien établie chez notre voisin libyen, à Derna située à près de 650 km de Tunis, a décidé de marquer de son sceau cet acte «héroïque» en infligeant une lourde perte à un corps d’élite: celui de la garde présidentielle. Le kamikaze s’appellerait Abdoullah Attounissi et on vient d’en faire l’apologie sur un twitter.

Les réactions des partis politiques ont pirouetté entre condamnations, dénonciations de l’impuissance de l’Etat face à la montée du terrorisme, la mésalliance entre partis au pouvoir portant et défendant des projets sociétaux différents, ou encore, et là nous reconnaissons bien le Front populaire, s’acharnant sur l’exercice gouvernemental.

Le chef du gouvernement a pour sa part assuré dans un discours prononcé mercredi 25 novembre 2015, avant le démarrage de la réunion du Haut Conseil de sécurité nationale, que la loi antiterroriste allait être appliquée à la lettre et a appelé partis, ONG et peuple tunisien à respecter les mesures prises par l’Etat pour ce qui est de l’état d’urgence et du couvre-feu sur le Grand Tunis.

Habib Essid a été ferme dans son discours. Espérons qu’il le sera dans ses actes, et dans l’application de la loi parce que, comme relevé par nombre d’observateurs et de concitoyens, il coulait de source que l’Etat appliquait la loi antiterroriste. Le gouvernement était-il dans la complaisance, le compromis ou la compromission?

C’est ce que nous saurons au cours des prochains jours.

L’UGTT a reporté la grève, pourquoi pas une annulation pure et simple?

Reste les réactions de l’UGTT et de l’UTICA. La centrale ouvrière a reporté la grève générale prévue pour mercredi 25 novembre. Elle a annoncé via un communiqué l’ajournement de toutes les grèves et autres manifestations régionales prévues pour cette période. Elle a également appelé les Tunisiens à rester unis face au terrorisme et à être plus productifs. Elle n’a pas manqué au passage d’adresser quelques piques au patronat, ce qui est, on ne peut plus inélégant, dans les circonstances actuelles. L’UTICA s’est contentée pour sa part de condamnations et de condoléances à l’intention des familles des martyrs.

L’UGTT et l’UTICA doivent pourtant, aujourd’hui plus que jamais, arriver à un compromis et assurer les conditions d’une trêve sociale de longue haleine. Car de la sécurité économique du pays dépendra sa résilience face à la montée du terrorisme. La Tunisie doit pouvoir compter sur son propre tissu économique pour faire face aux défis socio-sécuritaires, et ce n’est certainement pas par les grèves, même ajournées, qu’elle y parviendra.

Parce que toute grève, tout sit-in impliquerait une mobilisation des forces de l’ordre et parce que tout chômeur de plus sur la place pourrait devenir une cible pour la pieuvre terroriste qui sévit dans la région.

Les deux organisations ont donc une grande responsabilité dans l’opération de sauvetage d’une patrie, d’une Tunisie menacée de tous bords. Car il ne faut surtout pas compter sur les autres, les investisseurs étrangers qui l’ont déjà fui à cause de son instabilité sociale. Que dire alors si celle-ci est associée à celle sécuritaire?

Au mois de juin dernier, le chef du gouvernement, Habib Essid, avait déclaré que les grèves répétitives «dispersent les efforts de l’armée et incitent les terroristes à commettre leur forfait. Le terrorisme, avait-il affirmé, est un combat complexe et de longue haleine qui requiert une coopération entre les forces de l’armée et de la sécurité, d’une part, et des citoyens, d’autre part, en particulier dans les zones montagneuses».

Il a avait appelé au dialogue pour arriver à des compromis satisfaisants pour les deux partenaires sociaux. Une Tunisie en guerre contre le terrorisme les inciterait-elle à revoir leurs priorités? Qu’il s’agisse de délais électoraux, de questions de positionnements ou encore, et c’est là où cela fait très mal, d’une question d’ego, il ne s’agit pas de montrer qu’on est les plus forts. Nous ne sommes pas dans un ring et on ne s’adonne pas à un combat de boxe. Il s’agit surtout d’être de véritables patriotes qui font passer les intérêts du pays au-dessus des leurs, des fois, tout petits! La Tunisie ne peut se permettre de vivre entre le marteau de Daech et l’enclume de l’instabilité sociale.