Affaire BFT-ABCI, Slim Ben Hmidane : “Il n’y a aucun revirement dans la position du gouvernement tunisien“

Pour le ministre des Domaines de l’Etat, la partie tunisienne n’a pas changé de position dans le litige portant sur la Banque Franco-Tunisienne puisque, selon lui, l’accord-cadre du 31 août 2012 n’a aucune existence ni valeur juridique.

wmc-slim-benhmidene-mfoncier.jpgWMC: Vous avez déclaré et écrit plus d’une fois au cours des derniers jours que vous n’étiez pas au courant de l’accord de règlement amiable du 31 août 2012. Or, nous avons pu consulter plusieurs documents qui prouvent le contraire, et notamment trois. Les deux premiers vous ont été envoyés par Mme Afifa Bouzaidi, chef du Contentieux de l’Etat, respectivement le 3 octobre 2012 et le 4 avril 2013. Le troisième document est une note que vous avez adressée vous-même le 13 avril 2013 à l’expert Lotfi Ben Zekri pour l’informer qu’il a été chargé d’une mission d’audit de la BFT.

Donc, tout cela ne prouve-t-il pas que non seulement vous étiez au courant des négociations en vue d’un règlement amiable et de l’accord-cadre qui a été signé et dont vous avez supervisé la mise en œuvre et que, par conséquent, on ne vous a pas caché l’existence de l’accord mais que vous avez et le gouvernement avec vous changé d’avis et décidé de le dénoncer?

Slim Ben Hmidane : De prime abord, on tient à préciser que les écrits mentionnés dans votre question ont été tous rédigés par M. Hamed Nagaoui, Conseiller rapporteur chargé du dossier, et que par confiance à la compétence et au dévouement de ce dernier, ces écrits ont été signés par le chef du contentieux de l’Etat du moment où ils n’étaient point joints du prétendu procès verbal d’accord. En l’occurrence, les trois documents ont été bien reçus par le ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, ils parlaient tous, plutôt, d’un «accord de principe» ou d’un «accord-cadre». Or, tous les départements et organismes étatiques concernés par le litige étaient tous au courant des négociations directes menées avec ABCI par une commission ad hoc ainsi que de l’accord de principe intervenu entre les parties sur la suspension provisoire de la procédure arbitrale CIRDI. Mais ils n’ont jamais été informés de l’existence d’un procès verbal d’accord, paraphé, signé et même envoyé à la partie adverse. Si, le cas échéant, un document semblable a été rédigé et reçu par l’un de ces départements, il ne serait, en l’occurrence, qu’un projet d’accord dénué de toute signature, toujours tributaire d’une approbation, modification ou rejet de la part de la commission du contentieux.

Quant à la nomination d’un expert, objet de la deuxième note du 4 avril 2013, cette dernière vous fournit en soi une réponse claire et nette. En effet, elle parlait «d’efforts de règlement amiable en cours» plutôt que d’un accord voulu définitif en tant qu’acquis, chose qui n’a jamais été dévoilée au ministre. Donc, la nomination d’un expert intervient dans ce cadre de continuation des négociations et non de celui de l’exécution d’un accord préétabli.

Par son revirement, le gouvernement de la Troïka ne fait-il pas perdre à la Tunisie une chance historique de régler ce litige qui traîne depuis 31 ans, et ce de manière honorable et à des conditions favorables (l’accord-cadre accepté par ABCI stipule qu’il n’y aura pas de sortie de devises du pays dans le cas d’une éventuelle compensation et la reconversion d’une partie du montant en investissements)?

Il n’y a aucun revirement dans la position du gouvernement puisqu’aucun accord n’a été homologué par une autorité compétente au sujet du différend avec ABCI, le prétendu procès verbal d’accord ne traduit en rien la position du gouvernement et même celle de son signataire, Hamed Nagaoui qui, lors de la transmission du document à l’ABCI, l’a informée de la nécessité de son homologation, avant toute exécution, par la commission du contentieux, compétente exclusivement en la matière.

Si cet accord va épargner, selon vous, la République tunisienne de payer des millions de dollars en devises en exécution d’une imminente sentence arbitrale CIRDI qui va être prononcée à son encontre (ce qui n’est d’ailleurs pas sûr), il reste, néanmoins, un document de nature à engendrer le règlement par la Tunisie de sommes colossales qui d’ailleurs pourraient être évitées si un accord amiable avait été établi avec honnêteté et conformément à la loi et en cohérence ou si, le cas échéant, la Tunisie obtenait gain de cause devant le CIRDI, lorsque le procès se poursuivait sur le fond du litige.

Le dernier délai du 30 septembre 2013 fixé par le CIRDI est passé sans que l’Etat tunisien et la société ABCI ne parviennent à un accord de règlement amiable. A quoi est dû selon vous cet échec?

Le fait de poser cette question confirme l’hypothèse que les autorités officielles en Tunisie n’ont jamais signé, ni supervisé ni mis en œuvre un accord amiable au sujet du litige avec ABCI.

Si échec à parvenir à un accord amiable là-dessus il y a, c’est précisément dû, à notre avis, à la non collaboration d’ABCI et à la position rigide et de mauvaise foi d’ABCI qui a tenté jusqu’à la dernière minute de profiter de l’état d’instabilité dans l’administration tunisienne, inhérent à la transition démocratique que vit le pays, pour tirer, sciemment, profit aux dépens de la Tunisie, tantôt par l’exigence de préalables et tantôt par la recherche d’arrangements officieux, illégaux et précipités.

Le CIRDI va maintenant reprendre sa procédure arbitrale et se prononcer sur le fond de l’affaire. Quelle position allez-vous défendre devant cette instance?

L’Etat tunisien, cherchant toujours à défendre ses intérêts souverains et, par respect de la règle de confidentialité de la procédure arbitrale, se trouve dans l’empêchement juridique et moral de dévoiler la position qu’elle défendra devant le CIRDI.

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