Tunisie : Des économistes tunisiens tirent la sonnette d’alarme sur la situation économique du pays

Par : TAP

tunisie-economie-2013.jpg«L’économie nationale est actuellement en berne sous le coup d’une crise politique qui a frappé le pays, de plein fouet». C’est ce qu’estiment des économistes tunisiens, contactés par la TAP. La Tunisie ne peut, d’après ces économistes, “sortir de cette crise qu’à travers l’élection d’un nouveau gouvernement de compétences susceptible de gérer au mieux les affaires publiques”.

L’économiste Mahmoud Ben Romdhane a expliqué que cette situation difficile se caractérise par «un déficit budgétaire qui s’amplifie de plus en plus avec la flambée des prix des matières premières et des produits alimentaires de base, sur le marché international».

Abondant dans ce sens, un autre spécialiste de l’économie, Mohamed Ben Mabrouk, a avancé que “le marché local sera affecté par l’envolée des prix qui aurait pour conséquence d’affaiblir le pouvoir d’achat des Tunisiens». Pour lui, «le déficit courant s’aggrave de plus en plus, suite à un manque des entrées en devises tirées principalement du tourisme, de l’exportation du textile et des phosphates. En contrepartie, les matières premières importées (pétrole et céréales) observeront une hausse vertigineuse de prix”. Cela a pour conséquence, d’après M. Ben Romdhane, de «nuire à la crédibilité du pays auprès des différentes institutions financières internationales et surtout de baisser à trois reprises la notation souveraine du pays”.

En corollaire «ces institutions financières seront peu enclines à nous fournir davantage de crédits».

Pour sa part, Ridha Gouiâa souligne que “le recours au financement extérieur est un mal nécessaire puisqu’il permet de sortir l’économie nationale de l’impasse, mais en même temps, il engendrera un endettement lourd pour les futures générations et entravera ainsi, le processus de développement économique et social”. Il est vrai, a-t-il relevé, que le taux d’endettement extérieur ne cesse de croître (48% du PIB au lieu de moins de 46% auparavant), mais il reste dans une moyenne acceptable. Ce qu’il faut c’est «éviter de rentrer dans un cercle vicieux d’endettement et de compter davantage sur ses propres moyens et sur l’épargne nationale».

Recours rapide au suffrage

De l’avis de Ben Romdhane, “nous serons probablement contraints de mener une politique d’austérité qui rendra encore plus dramatique notre situation économique et sociale”, considérant que “l’unique solution réside dans le recours rapide au suffrage pour élire un gouvernement plus crédible et sage”.

L’ASECTU (Association des économistes tunisiens) avait affirmé dans un communiqué publié dimanche dernier, que “la période actuelle exige un engagement clair et ferme de la classe politique pour la mise en œuvre d’une feuille de route dont l’élaboration se fera d’une façon consensuelle entre toutes les parties prenantes et sans exclusion aucune” pour “rassurer les acteurs et les partenaires économiques, relancer l’investissement privé et la croissance économique et créer des emplois”.

Cette période exige d’après le communiqué, “un gouvernement de compétences avérées dans la gestion des affaires publiques et ayant une mission précise comprenant, en priorité, le rétablissement de l’ordre, de la sécurité et de l’Etat de droit, la gestion des affaires courantes, en accordant une attention particulière aux dossiers économiques et sociaux”.

La Tunisie a pu réaliser des résultats honorables

L’expert économique et financier, Hèdi Brahim, a analysé autrement la situation, “l’économie nationale s’est sortir de l’ornière de la crise après la révolution. Pendant l’année 2012, tous les indicateurs économiques sont au vert : taux de croissance économique positif (3,6%), création de 100 mille emplois, taux de chômage de 16,7% après avoir été aux alentours de 18,9% en 2011, taux d’investissement 22,4% contre 21,5% en 2011”. Bref, pour lui “la Tunisie a pu respecter ses équilibres financiers mais surtout le déficit budgétaire qui a été ramené à des proportions raisonnables”. “Si nous faisons un benchmarking avec les pays voisins et partenaires, nous remarquons que la Tunisie est l’unique pays qui a fait mieux en 2012, en Afrique du nord”, a-t-il attesté.

Par rapport à l’Europe, a t-il avancé, “la Tunisie a pu réaliser des résultats honorables. Cependant, l’économie nationale, a été affectée par la crise dans la zone euro où nos exportations ont connu une baisse drastique en 2013. Ceci a influé sur la caisse générale de compensation dont les charges ont augmenté de 31,7% en l’espace d’une année (2011- 2012)”.

Pour les objectifs tracés pour l’année 2013, à savoir un taux de croissance de 4,5% et un déficit budgétaire de 5,9%, il faudra d’après M.Brahim “accélérer le formation d’un nouveau gouvernement crédible dans ses programmes d’actions, miser sur l’adhésion de la société civile aux choix du nouveau gouvernement, élaborer un agenda clair dans ses objectifs pour parachever l’écriture de la constitution et ensuite tenir les élections”. Il a exigé également, “de conférer au budget de l’Etat un rôle social accru, pour poursuivre les créations d’emploi et élargir la politique de compensation pour toucher le plus grand nombre de citoyens”.

Côté perspectives, Ridha Gouiâa a affirmé que “pour la Tunisie d’aujourd’hui, tout dépendra de deux éléments essentiels. Primo, il faut assurer la paix et la sécurité dans le pays, booster la croissance économique, attirer les investisseurs et les touristes étrangers et mettre un frein au mouvement de délocalisation des entreprises nationales”. “Secundo, il importe que toutes les forces vives contribuent à sortir le pays de cette impasse”. “Notre peuple aspire à une vie plus sécurisée, à des prix moins chers (l’inflation a atteint 6%, en janvier 2013 contre 5,6%, durant l’année 2012, avec un taux de 8,6% pour les produits alimentaires, ce qui est très excessif), à un développement plus harmonieux et à des relations humaines et administratives plus respectueuses », a-t-il expliqué.

Il a insisté sur la nécessité de mener une réforme radicale et urgente de l’enseignement dans sa totalité et surtout de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur, afin d’améliorer l’employabilité des jeunes diplômés (33,2% des chômeurs sont des diplômés du supérieur, à la fin de l’année 2012 dont 47,5% sont des femmes). Il a appelé à “l’élaboration d’une feuille de route claire et d’un calendrier bien établi de toutes les étapes de la vie politique et économique (élections, code d’investissement, politique extérieure…), afin de rétablir la confiance dans le pays et y relancer l’investissement”.

WMC/TAP