Tunisie – Les promesses du régime parlementaire? Tu parles!

 

C’est, semble-t-il, définitif: la Commission chargée des rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif a choisi le régime parlementaire pour la Tunisie. Mais celui-ci peut s’avérer un outil de l’«absolutisme» et de la conservation du pouvoir. Le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, en sait quelque chose: il a régné pendant onze ans sur un pays au régime parlementaire, composé d’une mosaïque de partis.

Pour le président de la République, Mohamed Moncef Marzouki, l’affaire Baghdadi Mahmoudi, c’est, pour ainsi dire, du passé. Il l’a dit dans sa déclaration attendue et prononcée, le vendredi 6 juillet 2012. L’affaire Mahmoudi ne sera pas pour autant oubliée de sitôt par les observateurs de la scène politique en Tunisie. Tant elle constitue le premier «incident» de taille entre les deux têtes du pouvoir exécutif tel que défini par la Troïka: le président de la République et le chef du gouvernement.

Inutile de préciser, à ce propos, que ces observateurs ont déjà dégagé des enseignements de cette petite crise qui pouvait faire éclater tout l’édifice d’une Troïka contre nature qui regroupe un parti qui s’inspire de l’Islam (Ennahdha), un parti qui a un référentiel de centre gauche (le CPR, Congrès pour la République) et un parti dit socio-démocrate (le FDTL, Forum démocratique pour le travail et les libertés ou Ettakatol). Ces trois composant les fameuses trois présidences: République, gouvernement et Assemblée constituante.

Il s’agirait là sans doute du premier enseignement à retenir de ce régime parlementaire prôné par Ennahdha quelle a imposé dans la Petite Constitution en fonction de laquelle le pays est gouverné depuis les élections du 23 octobre 2011 et qui semble avoir été définitivement adopté par la commission chargée des rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif.

La machine se grippe

Cela s’est vu ailleurs, en France, sous la quatrième République, en Italie ou encore en Israël où on a remarqué des échafaudages surprenants: des partis de gauche alliés aux démocrates chrétiens, des partis du centre qui ont scellé leur sort à des partis xénophobes. Avec toutefois toujours les mêmes conséquences: un moment ou à un autre, un incident arrive et bloque la machine qui se grippe donc au détriment des intérêts du pays.

Dans ces alliances, tout est fait pour que le parti majoritaire arrive à avoir le dessus malgré des apparences de recherche constante de consensus. Le parti majoritaire arrive souvent à rallier à sa cause des partis représentés au Parlement: la course aux maroquins ministériels et autres fonctions est une réalité de l’exercice du pouvoir. Et on arrivera toujours à lui trouver une explication noble au nom de «l’intérêt général» ou encore de la nécessaire défense de ses idées ou d’appliquer son programme: tout parti ne vise-t-il pas légitimement à prendre le pouvoir? Ce n’est pas par hasard si les spécialistes de la science politique ont inventé, à ce juste propos, depuis longtemps, le concept de l’«entrisme» qui se définit comme «est une stratégie d’organisation qui consiste à faire entrer de manière concertée des membres d’une organisation dans une autre organisation aux idées proches, mais concurrentes» (voir Wikipedia).

Une participation qui porte ombrage

Dommage collatéral de ce régime parlementaire –cela s’est vu encore ailleurs-, l’effritement des partis de la majorité, notamment ceux qui «gravitent» autour du parti charnière de cette coalition. En effet, il arrive à un moment où un autre que des membres de ces partis estiment que leur participation leur porte ombrage et décident de sortir des rangs. Les démissions d’un ministre du CPR, Mohamed Abbou, et de trois conseillers du président de la République (Abdallah Kahlaoui, Ayoub Lessaoudi et Mohamed Chawki Abid) semblent participer de cette logique. Toutefois, à chaque pays sa réalité: dans certains, le mouvement est important, dans d’autres, il est insignifiant. Quoi qu’il en soit, cet état de fait est toujours synonyme d’instabilité.

Voyant, d’ailleurs, le danger venir, le gouvernement est toujours tenté, pour montrer qu’il tient bien les choses en main et a les rangs serrés, et sous la pression du parti majoritaire, à être plus tranchant dans ces propos et décisions. Croyant dur comme fer comme le disait, il y a quelques jours, un ministre de la Troïka, qu’il «dispose d’une large majorité». Il glisse, de ce fait, sur une pente grave: celle d’un certain «absolutisme». Une attitude qui finit par réveiller l’opposition. Qui devient virulente.

Ce comportement est utilisé, souvent, comme une tactique pour conserver le pouvoir. L’attaque, souvent, de l’opposition, qui croit trouver là l’occasion d’en finir avec la coalition au pouvoir ou de l’affaiblir, est virulente et bruyante. Paradoxalement, cette dernière trouve, quant à elle, une belle occasion pour resserrer ses rangs et faire revenir au droit chemin les quelques brebis galeuses qui ont pris le pli de faire autrement. A ceux-ci arrive le moment où on leur fait comprendre la responsabilité qui leur incombe de jouer solidaire. Souvenons-nous: le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a su pendant les quelque onze ans de son règne faire un excellent usage de cette tactique pour rester au pouvoir. .