La France peine à faire face à sa politique du “tout-électrique”

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électriques à Saint-Louis le 30 avril 2009 (Photo : Jean-Christophe Verhaegen)

[18/11/2009 19:22:36] PARIS (AFP) Dotée d’un parc nucléaire censé assurer son indépendance énergétique, la France est obligée de recourir de plus en plus aux importations d’électricité, signe des limites de sa politique du “tout-électrique”, mais aussi de l’émergence d’un marché européen de l’énergie.

Pour la première depuis 27 ans, la France a importé de chez ses voisins européens en octobre plus d’électricité qu’elle n’en a exporté, à hauteur d’un peu plus de 1% de ses besoins.

Alors que la consommation baissait sous l’effet de la crise économique (-1,3% en octobre), ces importations ont été nécessaires à cause d’un manque de production hydraulique et des arrêts répétés de réacteurs nucléaires.

Les associations écologistes ont immédiatement dénoncé la “faillite du nucléaire” français.

“Malgré ses 58 réacteurs”, la France, “patrie de l’atome”, “est obligée d?importer de l?électricité et risque de connaître cet hiver des coupures de courant!”, a pointé Greenpeace.

L’Hexagone va encore devoir importer de grandes quantités d’électricité cet hiver et n’est pas à l’abri de coupures partielles en cas de froid intense et prolongé, avait prévenu en octobre le Réseau de Transport d’électricité (RTE).

Pour Greenpeace, cette situation est liée à la politique de soutien au chauffage électrique, elle-même justifiée par le “suréquipement nucléaire”.

De fait, près de 30% des logements français étaient équipés de chauffage électrique en 2006 contre environ 2% trente ans plus tôt, à la veille du lancement du programme nucléaire français.

Cet équipement électrique provoque des “pics de consommation”, le soir en hiver, que le parc nucléaire ne peut pas satisfaire, car il est conçu pour fournir une production “de base” à puissance constante.

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Centrale Edf de Flamanville, le 14 octobre 2009. (Photo : Mychele Daniau)

La France doit alors avoir recours aux importations. Et le phénomène a tendance à s’aggraver avec la multiplication des appareils électroniques (lecteurs MP3, consoles de jeux…).

Il pourrait même prendre une ampleur nouvelle avec le développement du parc de voitures électriques, que la France veut porter à 2 millions d’unités en 2020.

Mais abandonner le nucléaire pour les énergies fossiles conduirait à affaiblir encore davantage l’indépendance énergétique de la France, à alourdir la facture des Français et à augmenter de 30% les émissions de CO2, assure le ministère de l’Energie sur son site internet.

Les exportations d’électricité ont encore rapporté 2,8 milliards d’euros à la France en 2008 du fait du prix élevé des électrons.

En outre, “le fait de devoir importer de l’électricité n’est pas problématique en soi”, affirme Jacques Percebois, professeur à l’Université de Montpellier.

“C’est même la logique du marché européen”, remarque-t-il.

Les politiques européennes visent en effet depuis plusieurs années à créer un “marché unique de l’énergie” à travers une plus grande interconnexion des réseaux électriques.

“On ne peut plus raisonner aujourd’hui à la +maille+ d’un pays”, confirme Michel Derdevet, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris et directeur de la communication de RTE dans “L’Europe en panne d’énergie”.

Les échanges d’électricité entre pays européens présentent en effet l’avantage “d’optimiser l’usage des différents parcs de production électrique”, avance-t-il.

Le problème est qu’il y a encore trop peu d’interconnexions. La France peut ainsi facilement importer l’électricité allemande produite à base de charbon. Mais le manque de lignes à haute tension traversant les Pyrénées la prive des excédents espagnols d’électricité éolienne.