Mohamed Mehdi Khemiri, ou le jeune patron du Net tunisien


mehdi-khemiri1.jpg«J’ai
toujours su que je voulais rentrer en Tunisie. J’attendais seulement
l’opportunité»
. Aussi vite qu’elle s’est présentée, il l’a saisi. Mohamed
Mehdi Khemiri (MMK) n’est pas du genre à perdre du temps. Après de
brillantes études en France, le polytechnicien part aux Etats-Unis dans la
Sillicon Valley pour mettre en pratique sa formation. Il n’a jamais perdu de
vue son besoin de retour dans son pays natal. Les nouvelles technologies et
sa ferme volonté le lui ont permis.

Aujourd’hui, il est un (jeune) homme heureux. Il est à la tête de TopNet,
une société opérant dans les TIC, devenu leader des fournisseurs d’accès
Internet en Tunisie au bout de 8 ans d’existence et représentant 43% de
parts du marché.

En me faisant lui-même un café expresso bien serré dans son bureau, le
patron de TopNet reconnaît que certaines personnes dans son entourage sont
assez étonnées de sa réussite. Lui, de toute façon, ne l’est pas du tout.
“Jeune, j’étais rêveur, très rêveur…”, dit-il. Allez savoir à quoi rêvait-il
au juste, lorsqu’il fréquentait les bancs du lycée Pilote Bourguiba de
Tunis. A quoi songeait-il lorsqu’il s’en va, bourse en poche, faire des
études supérieures en France ? Dans ses rêves les plus fous, avait-il mesuré
que sa société créée en 2001 emploierait 400 jeunes, au rythme de 10
nouveaux diplômés tous les mois depuis 2 ans ? Son entreprise affiche un
chiffre d’affaires de 17, 6 millions de dinars en 2008 et prévoit 26
millions de dinars pour 2009. «A ce jour, nous n’avons distribué aucun
dividende»
, précise MMK.

Au jour d’aujourd’hui, il garde toujours ses yeux de rêveur, mais s’est
assurément aiguisé les dents pour devenir l’un des jeunes patrons les plus
représentatifs de l’entrepreneuriat tunisien. Il est un modèle pour les plus
ambitieux. Sa «sucess strory» fait plaisir et ce n’est pas un hasard s’il a
été élu meilleur jeune dirigeant de l’année 2008 par le Centre des Jeunes
Dirigeants (CJD/UTICA).

Se trouve-t-il pour autant représentatif de la nouvelle génération de
Tunisiens ? Sans rechigner, il estime que oui. Largement. MMK pense
représenter une frange d’une jeunesse combative, élitiste de par son niveau
d’instruction et perfectionniste. Il fait partie de ceux qui veulent
réussir. Pour cela, il n’y a pas de recette miracle. Juste une véritable
volonté et beaucoup de persévérance.

MMK précise néanmoins : «Je dois tout à la Tunisie. Je suis issu de la
classe moyenne de ce pays et j’estime que les jeunes sont sa meilleure
force. Je voulais monter mon entreprise dans mon pays et y créer de la
valeur ajoutée et des emplois. Mon ambition était dictée en grande partie
par mon besoin de renvoyer l’ascenseur. C’est ce pays qui a tout payé»
.
Restant lucide, MMK mentionne que sa chance de lancer TopNet revient aussi à
des circonstances particulières. Au niveau politique, des encouragements
incitatifs pour aider les jeunes à créer leurs entreprises avaient été mis
en place. MMK a surfé sur la vague et se remémore : «J’avais à peine 100
mille dinars et pas de carnet d’adresses. C’est à Sousse que je me suis
installé et ne suis venu travailler dans la capitale qu’il y a cinq ans».

Le jeune patron part du principe que les qualités se travaillent dans un
environnement qui valorise les compétences. «Je n’ai jamais douté de ma
réussite. Le seul doute que j’avais se situait au niveau du timing. J’ai
toujours su et fait ce qu’il convenait de faire pour être parmi les
meilleurs»
. Loin d’être prétentieux, MMK est pratique, pragmatique et
n’hésite aucunement à mettre en avant son esprit de compétition. Son tempo
est rythmé par la volonté de réussite. Il considère que la volonté d’entrepreneuriat
se construit à l’université. Celui qui a découvert qu’il était brillant,
entre autres, en mathématiques pense que ce sont surtout les discours qui
font naître et décupler les volontés: «C’est l’homme qui fait la différence.
Même chez les polytechniciens, il y a des erreurs de casting»
, précise-t-il
non sans une pointe d’humour. «Je vais vous dire, sachez que créer une
entreprise à l’étranger reste rare. En tout cas, dans les milieux que je
connais»
. Sa définition de son métier actuel ne fait l’objet d’aucun doute.
Être patron se résume «à manager des hommes et des situations».

Lorsque je le taquine sur la récente polémique entre les différents
fournisseurs eu égard au nombre d’abonnées dans le pays, Khemiri reste
serein et souriant : “TopNet affiche 110.000 clients actifs sur un total de
256 mille abonnés sur l’ensemble du territoire. Vous savez au delà
d’annoncer, c’est fêter qui est une fierté. C’est important pour
l’entreprise, valorisant pour l’équipe et motivant pour aller plus loin. Nos
régulières conférences de presse font foi de nos réalisations. Je vous prie
de croire que négocier le virage des trois années à venir est maintenant
nettement plus important que tout”
. En effet, l’arrivée de nouveaux
opérateurs avec une solide expérience sur le marché tunisien est un tournant
que se prépare à affronter MMK avec son équipe sauf que, lui, les défis ne
lui font pas peur.

Il faut dire que le marché tunisien a réagi positivement à l’introduction
d’Internet depuis quelques années. Les chiffres sont en progression et les
consommateurs tunisiens passent sur le Net deux fois plus de temps qu’avant.
La culture Internet largement adoptée par la majorité des jeunes et la
diminution progressive des barrières tarifaires contribuent à l’exigence de
plus en plus grandissante des internautes dans le pays. Ils sont, de fait,
désormais avides de nouveaux services.

Le rendez-vous de MMK avec le succès commence avec les cartes Internet
prépayées mais décolle littéralement avec l’arrivée de l’ADSL en 2004. Dans
son bureau du 6ème étage, il continue de miser sur la qualité et le produit
pour satisfaire le client. Il n’empêche que l’innovation et l’investissement
sont des axes primordiaux sur lequel il bâtit une stratégie imparable.
Jusqu’ici ses plans se sont avérés judicieux. Le jeune patron a su réunir
autour de lui une équipe jeune et dynamique, motivée et solide. En
traversant les couloirs des bureaux, on remarque d’emblée qu’ils sont tous
ou presque jeunes. La moyenne d’âge chez TopNet est de 26,5 ans.

Son secret pour motiver ses troupes se résument en deux maîtres mots :
«Respecter et responsabiliser. Il règne chez nous un état de confiance.
J’estime que l’indépendance est fondamentale pour pouvoir donner le meilleur
de soi-même. A partir d’un Input, nous analysons et travaillons en équipe.
J’aime les chiffres, je les interprète et nous essayons de modéliser au
maximum. Je pars d’un principe simple, la seule chose non mesurée, c’est la
créativité et elle est au cœur de notre action
».

Chez TopNet, l’innovation se conjugue en termes d’offres, de services, de
produits, de tarifications, de packagings… Le fournisseur de Services
Internet offre à sa clientèle une assistance téléphonique gratuite via un
numéro vert disponible 7j/7, 24h/24h. TopNet c’est aussi un visuel bien
visible dans le paysage urbain. Le portail de l’entreprise est entre autres
son image de marque et un axe important dans sa stratégie de développement.
Il affiche actuellement 450.000 visiteurs uniques par mois pour 1 millions
de pages vues par mois. Avec la nouvelle version du portail, TopNet
ambitionne d’atteindre au quatrième trimestre 2009 la barre de 1 million de
visiteurs uniques par mois pour 2,5 millions de pages vues. Le contenu est
mis à jour quotidiennement et comprend des informations couvrant l’actualité
nationale, culturelle, économique et sportive. Il offre, outre les services
aux clients (bas débit, ADSL, …), des services complémentaires tels que
des adresses mail illimitées, des services permettant le contrôle de la
consommation, des solutions de sécurité gratuites ou payantes selon le type
d’abonnement, ainsi que des services utiles comme les programmes TV, la
météo ou les horaires des trains.

Au moment de le quitter, je cherche à en savoir sur sa vie personnelle.
L’homme reste discret. Il fait du sport en salle pour maintenir la forme et
reconnaît qu’en dehors des périodes de pointe, il ne travaille pas plus de 8
heures par jour.

Récemment, il s’est investi dans le bureau exécutif de l’ATUGE, un réseau
qui est passé de l’informel à un réseau actif qui joue un rôle dans la
société civile. Un jour, il y a quelques années, il a pu compter sur l’ATUGE.
Aujourd’hui, il estime qu’il est de son devoir de donner comme il a reçu,
quand il en avait besoin.

MMK n’est ni marié ni fiancé. A ma question, il sourit et répond
malicieusement : «Je ne doute pas de trouver la femme de ma vie. Le seul
doute que j’ai se situe au niveau du timing»
. Je le quitte et lui souhaite
une bonne fin de soirée. Je suis persuadée qu’il fera tout ce qu’il convient
de faire pour.